Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/84

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posez maintenant qu’une honnête fillette, j’entends en toute innocence, laisse sa croisée ouverte le matin de la Saint-Valentin, pour qu’un galant cavalier puisse, en toute honnêteté j’entends, devenir son Valentin pour l’année, et supposez le galant découvert, peut-elle ne pas crier, comme si la visite était inattendue. Eh ! eh ! broyez tout cela dans un mortier, et puis regardez ; le résultat sera-t-il qu’il faille mettre le trouble dans la ville ? »

L’apothicaire énonça son avis de la manière la plus insinuante ; mais il sembla se rapetisser encore quand il vit le sang monter aux vieilles joues de Simon Glover, et rougir jusqu’aux tempes la figure du terrible armurier. Ce dernier s’avança et lança un regard sombre à l’apothicaire épouvanté, puis il s’écria soudain : « Ah ! c’est toi, squelette ambulant ! toi, pot de faïence asthmatique ! toi, empoisonneur de profession ! Si je pensais que le misérable souffle qui te reste pût ternir la dixième partie d’une minute la bonne réputation de Catherine Glover, je te pilerais, charlatan, dans ton propre mortier, et battrais ta maudite charogne de corps avec de la fleur de soufre pour en faire un onguent bon à frotter les chiens galeux ! — Paix, fils Henri ! paix ! » s’écria le gantier d’un ton d’autorité, « personne autre que moi n’a droit de parler sur ce sujet. Honorable bailli Craigdallie, puisque telle est l’interprétation qu’on donne à ma tolérance, je veux poursuivre cette esclandre à tout prix, et quoique l’on ne puisse prouver maintenant que nous eussions mieux fait de tolérer, vous verrez tous plus tard que ce n’est pas une légèreté ni une folie de ma Catherine qui a causé ce grand scandale. »

Le bailli s’interposa aussi : « Voisin Henri, dit-il, nous sommes venus ici pour délibérer, non pour nous quereller ; comme un des anciens de notre belle ville, je te commande de renoncer à toute haine et à toute malveillance que tu pourrais avoir contre l’apothicaire Dwining. — C’est une trop pauvre créature, bailli, dit Henri Gow, pour que je lui garde rancune, moi qui le briserais lui et sa boutique d’un coup de mon marteau de forge. — Faites donc silence, et m’écoutez, reprit le magistrat. Nous croyons tous aussi fermement à l’honneur de la Jolie Fille de Perth qu’à celui de Notre-Dame. (Ici il se signa.) Mais touchant notre appel à notre prévôt, êtes-vous d’avis que nous mettions l’affaire entre les mains dudit prévôt lorsque nous accusons un noble que nous devons croire puissant ?… — Le prévôt étant un noble lui-même, » s’écria l’apothicaire un peu remis de sa terreur par l’intervention