Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/56

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que nous serions tous morts de froid, confrère, avant que le portier eût trouvé la clef pour nous introduire en présence du roi. Allons, amis, la nuit est glacée ; nous avons fait, en gens de cœur, nos rondes et nos patrouilles ; et notre joyeux Smith a donné à nos adversaires une correction qui vaudra vingt proclamations du roi. Demain, ce sera une autre affaire ; nous délibérerons là-dessus dans ce lieu même, et nous aviserons aux mesures à prendre pour découvrir et arrêter les coupables. C’est pourquoi nous ferons bien de nous séparer avant que le sang se fige dans nos veines. — Bravo ! bravo ! voisin Craigdallie ; Saint-Johnston à jamais ! »

Olivier Proudfute voulut encore parler, car c’était un de ces orateurs qui pensent que leur éloquence peut triompher des injures du temps, des lieux et des circonstances ; mais personne ne voulut l’écouter, et les citoyens se dispersèrent pour retourner chacun chez eux, à la lueur de l’aurore qui commençait à blanchir à l’horizon.

Ils étaient à peine partis que la porte de la maison du gantier se rouvrit ; Simon Glover vint prendre Henri par la main, et le fit entrer.

« Où est le prisonnier ? demanda l’armurier.

« Il est sauvé… échappé… enfin… que sais-je, moi ? Il a passé par la porte de derrière, puis par le petit jardin. Ne pense plus à lui ; mais viens voir la Valentine dont tu as sauvé ce matin la vie et l’honneur. — Laissez-moi seulement rengainer mon couteau, et me laver les mains. — Il n’y a pas de temps à perdre ; elle est levée et presque habillée. Viens, compère ; elle te verra avec ta bonne lame dans la main, et le sang des bandits sur les doigts, afin d’apprendre à bien apprécier les services d’un brave homme. Voilà long-temps qu’elle me ferme la bouche avec ses pruderies et ses scrupules ; je veux qu’elle sache ce que vaut l’amour d’un homme courageux, et d’un hardi bourgeois par-dessus le marché. »