Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs torches éclairaient les rues, et leurs cris retentissaient à travers les quartiers d’alentour.

Cependant le prisonnier du forgeron le suppliait de le lâcher, employant promesses et menaces pour obtenir sa liberté. « Si tu es gentilhomme, disait-il, laisse-moi aller, et tout ce qui s’est passé sera pardonné. — Je ne suis pas gentilhomme, répondait Henri… je suis forgeron du Wing, bourgeois de Perth ; et je n’ai rien fait pour avoir besoin de votre pardon. — Scélérat ! tu sais bien ce que tu as fait ; mais laisse-moi aller, et je remplirai ton bonnet de pièces d’or. — Je vais remplir le tien d’une tête fendue, et à l’instant, si tu ne restes pas tranquille comme un loyal prisonnier. — Qu’est-ce donc, mon fils Henri ? » demanda Simon, qui se montra alors à la fenêtre… « j’ai entendu ta voix sur un autre ton que celui auquel je m’attendais… Pourquoi tout ce bruit ? pourquoi les voisins se mettent-ils en campagne ? — C’est une bande de pendards qui a voulu escalader vos fenêtres, père Simon ; mais il est à présumer que je serai parrain de l’un d’eux que je tiens ici aussi serré qu’une barre de fer fut jamais serrée par un étau. — Écoutez-moi, Simon Glover, dit le prisonnier ; laissez-moi vous dire un mot en particulier, et délivrez-moi des mains de ce rustre à doigts de fer et à caboche de plomb : vous allez comprendre qu’on ne vous voulait aucun mal ni à vous ni aux vôtres ; et de plus je vous dirai quelque chose qui peut tourner à votre avantage. — Je connais cette voix-là, » dit alors Simon Glover, qui était descendu à la porte avec une lanterne sourde à la main. « Fils Smith, laisse ce jeune homme me parler. On n’a rien à craindre de lui, je te l’assure. Reste un instant où tu es, et ne laisse entrer personne dans la maison, ni pour l’attaquer ni pour la défendre. Je parierais que ce gaillard n’avait en tête qu’une plaisanterie de Saint-Valentin. »

Ainsi parlant, le vieillard entraîna le prisonnier et ferma la porte, laissant Henri un peu étonné de la manière inattendue dont son beau-père considérait cette alarme. « Une plaisanterie ! dit-il ; c’eût été une singulière plaisanterie, s’ils étaient entrés dans la chambre à coucher de la jeune fille !… et ils l’eussent fait sans l’admonition amicale de cette honnête voix qui me parla de derrière les piliers, et si ce n’était pas la bienheureuse sainte elle-même (que suis-je cependant pour que cette pieuse patronne me parle ?)… du moins cette voix n’a pu retentir en cet endroit qu’avec sa permission et son consentement ; c’est pourquoi je