Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/45

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de côté, et j’enverrai le garnement chercher logement ailleurs demain matin. — Oh ! père, vous ne pouvez supposer que Henri Gow s’inquiète davantage de ce jeune chat de montagne, que des fraisils de sa forge ? J’aurais fort peu de souci, je vous promets, quand même tout son clan descendrait par Shoegate[1], en hurlant le cri de guerre et en jouant de la cornemuse ; je trouverais cinquante lames et autant de boucliers qui leur feraient rebrousser chemin plus vite qu’ils ne seraient venus. Mais, à vrai dire, quoique je dise encore une folie, je ne suis pas charmé de voir ce jeune drôle si près de Catherine, songez-y, père Glover ; votre métier vous emploie tous les yeux et les mains, et il vous faut y donner tous vos soins, quand même ce maudit fainéant travaille, ce qui ne lui arrive que rarement, vous le savez. — Et c’est vrai, dit Simon ; il coupe tous ses gants pour la main droite, et n’a jamais pu en finir une paire de sa vie. — Je sais de reste comment il coupe la peau, dit Henri ; mais, avec votre permission, père, je veux seulement dire qu’il n’a jamais les yeux troubles, qu’il travaille ou qu’il fainéantise, ni les mains brûlées par le fer chaud, ou durcies par le maniement du marteau sur l’enclume ; il n’a point de ces cheveux souillés par la fumée ou roussis par le fourneau, et plus semblables au poil d’un blaireau qu’à une chevelure faite pour recevoir un bonnet chrétien. Maintenant, que Catherine soit aussi bonne, fille qu’on voudra, et je soutiens qu’il n’y en a pas de meilleure dans Perth, elle doit pourtant voir et comprendre que tout ceci fait une différence entre un homme et un homme, et que la différence n’est pas en ma faveur. — Voici à ta santé et de tout mon cœur, fils Henri, » dit le vieillard remplissant jusqu’au bord le verre de son compagnon ainsi que le sien ; « je vois que tout bon forgeron que tu es, tu ne sais pas de quel métal les femmes sont faites. De la hardiesse, Henri, et comporte-toi, non pas comme si tu allais à la potence, mais en jeune et gai luron, qui connaît sa valeur et ne se laisse pas dédaigner par la meilleure des petites-filles d’Ève. Catherine est une femme comme sa mère, et tu serais bien fou de supposer qu’elles se prennent toutes à ce qui plaît à l’œil. Il faut plaire aussi à leurs oreilles, l’ami ; il faut qu’elles sachent que l’objet de leur prédilection est hardi et jovial, et qu’il pourrait conquérir vingt cœurs, quoiqu’il ne coure qu’après un seul. Crois-en un vieillard, les femmes vont plutôt par où on les mène que par où

  1. Le Slogan, cri de guerre des montagnards écossais. a. m.