Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/444

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Rothsay ! Rothsay ! tu as du moins échappé au malheur d’être roi ! — Mon souverain, dit Mac Louis, permettez-moi de vous rappeler que la couronne et le sceptre d’Écosse appartiennent, après Votre Majesté, au prince Jacques, qui succède au droit de son frère. — Vous avez raison, Mac Louis, » répliqua le roi vivement, « et il succédera, le pauvre enfant, aux dangers de son frère ! Merci, Mac Louis, merci ! vous m’avez fait souvenir qu’il me restait encore de la besogne sur terre. Que tes Brandanes prennent les armes aussi vite que possible. Que personne n’entre ici, dont la fidélité ne te soit connue, personne surtout qui ait eu des liaisons avec le duc d’Albany… avec cet homme, veux-je dire, qui s’appelle mon frère ! Et que ma litière soit préparée sur-le-champ. Nous allons à Dunbarton, Mac Louis, ou à Bute. Les précipices, les vagues et les cœurs de mes Brandanes défendront mon enfant jusqu’à ce que nous puissions mettre des mers entre lui et l’ambition de son cruel oncle. Adieu, Robert d’Albany… adieu pour toujours, homme au cœur dur et sanguinaire ! Jouis de la part de puissance que Douglas te voudra laisser ; mais ne cherche pas à me revoir, moins encore à approcher du fils qui me reste ! Car, dès l’instant où tu approcherais, mes gardes auraient ordre de te massacrer avec leurs pertuisanes !… Mac Louis, souviens-toi de cela. »

Le duc d’Albany quitta l’appartement sans chercher ni à se justifier ni à répondre.

Ce qui suit est du domaine de l’histoire. Dans la première assemblée du parlement, le duc d’Albany parvint à décider ce corps à le déclarer innocent de la mort de Rothsay, tandis qu’en même temps il se reconnut coupable de ce crime, en recevant des lettres de grâce ou de pardon. Le malheureux monarque se retira dans son château de Rothsay, comté de Bute, pour pleurer le fils qu’il avait perdu, et veiller avec une inquiète anxiété sur la vie de l’enfant qui lui restait. Aucun moyen de pourvoir à la sûreté du jeune Jacques ne lui sembla meilleur que de l’envoyer en France faire son éducation à la cour du souverain régnant. Mais le vaisseau sur lequel le prince écossais traversait le détroit fut pris par un croiseur anglais, et quoiqu’il y eût alors une trêve entre les deux royaumes, Henri IV eut la bassesse de le retenir prisonnier. Ce dernier coup acheva de briser le cœur du malheureux roi Robert III. La vengeance atteignit enfin, quoique d’un pas tardif, la trahison et la cruauté de son frère. Il est vrai que les