Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/443

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habituelle de son caractère, était tout disposé à conjecturer que sa raison était troublée par suite des horreurs extraordinaires du combat des montagnards… « Qui arrêterai-je, mon souverain ? répéta-t-il, je ne vois ici que le royal frère de Votre Majesté, milord duc d’Albany. — Cela est vrai, » dit le roi, tandis que son accès de colère vindicative se calmait, « très-vrai… Qui ? Albany… l’enfant de mon père… Il n’y a ici que mon frère !… Dieu ! rends-moi capable de dompter la coupable colère qui dévore ce sein. Sancta Maria, ora pro nobis ! »

Mac Louis lança un regard d’étonnement au duc d’Albany, qui s’efforçait de cacher sa confusion en affectant une vive sympathie, et qui murmura à l’oreille de l’officier :

« Ce terrible malheur l’affecte trop vivement pour ne point lui troubler la tête. — Quel malheur ? s’il plaît à Votre Grâce, répliqua Mac Louis, je n’en sais aucun. — Comment !… Vous ne savez pas la mort de mon neveu, de Rothsay ? — Le duc de Rothsay est mort, milord d’Albany ! » s’écria le fidèle Brandane avec une profonde horreur et un extrême étonnement. « Quand, comment, et où ? — Il y a deux jours… La manière, on l’ignore encore… à Falkland. »

Mac Louis regarda le duc un instant, puis l’œil en feu et d’un air déterminé, il dit au roi qui paraissait plongé dans sa prière mentale : « Mon souverain ! il y a une minute ou deux vous avez oublié un mot… Un seul mot ; qu’il sorte de votre bouche, et votre bon plaisir est une loi pour vos Brandanes ! — Je priais contre la tentation, Mac Louis, » répliqua le roi désespéré, « et vous m’y précipitez. Mettriez-vous une épée nue dans la main d’un insensé ? Mais, ô Albany ! mon ami, mon frère, mon intime conseiller ! comment… comment ton cœur a-t-il pu se résoudre à cela ? »

Albany voyant que la fureur du roi était passée, répondit d’un ton plus calme qu’avant : « Mon château n’a pas de barrière contre le pouvoir de la mort. Je n’ai pas mérité les infâmes soupçons qu’impliquent les paroles de Votre Majesté. Je les pardonne au père qui pleure son fils ; mais je suis prêt à jurer par la croix et l’autel… par ma part de salut… par les âmes de nos royaux ancêtres… — Silence, Robert ! interrompit le roi, n’ajoute pas le parjure au meurtre… Et ce forfait fut sans doute commis pour approcher d’un pas plus près d’une couronne et d’un sceptre ? prends-les donc l’un et l’autre ; et puisses-tu trouver comme moi qu’il est plus doux de manier un barreau de fer rouge !…