Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/442

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m’attendrirais pas long-temps sur ces bêtes sauvages qui gisent entassées comme des charognes, dans la lice. Mais… » Il s’arrêta. — Comment ! » s’écria le roi effrayé, « quel est ce nouveau malheur ? … Rothsay… Ce doit être… c’est Rothsay !… Parle ! Quelle nouvelle folie a-t-il faite ? Quelle nouvelle infortune l’a frappé ? — Monseigneur, mon souverain folies et infortunes sont maintenant finies pour mon pauvre neveu. — Il est mort !… il est mort ! » s’écria le père dans une affreuse angoisse, « Albany, comme frère, je te conjure. Mais non… je ne suis plus ton frère ! Comme roi, je te commande, homme ténébreux et perfide, de m’apprendre toute la vérité ! »

Albany balbutia… « Les détails ne me sont qu’imparfaitement connus… mais ce qu’il y a de certain, c’est que mon infortuné neveu a été trouvé mort dans son appartement la nuit dernière, mort subitement… À ce que j’ai ouï dire. — Rothsay !… ô mon cher David ! plût à Dieu que je fusse mort pour toi ! Mon fils ! mon fils ! »

Ainsi parla, en répétant les paroles expressives de l’Écriture, le père privé de toute espérance ; il déchirait sa barbe blanche et ses cheveux gris ; pendant qu’Albany, silencieux et tourmenté par sa conscience, n’osait interrompre la violence de son chagrin. Mais l’excès de la douleur du roi se changea presque subitement en furie… état d’esprit si contraire à la douceur et à la timidité de son naturel, que les remords d’Albany se perdirent dans sa frayeur.

« Et voici donc la fin de tes remontrances morales et de tes punitions religieuses !… Mais le père abusé qui livra son fils entre tes mains, qui livra l’innocent agneau au boucher, est roi, et tu le reconnaîtras à tes dépens. Le meurtrier demeurera-t-il en présence de son frère souillé du sang du fils de ce frère ? Non !… Holà, ho ! Venez ici… Mac Louis !… Brandanes !… Trahison !… Meurtre !… Prenez les armes si vous aimez Stuart ! »

Mac Louis avec plusieurs gardes se précipita dans l’appartement.

« Meurtre et trahison ! s’écria l’infortuné monarque. Brandanes… votre noble prince… » Ici son chagrin et son agitation interrompirent l’ordre fatal qu’il voulait donner. À la fin il reprit sa phrase interrompue… « Une hache et un billot dans la cour, sur-le-champ !… Arrêtez… » Ce mot lui étouffa la voix.

« Arrêter qui ? mon noble souverain ! » dit Mac Louis qui, voyant le roi dominé par un accès de colère si différent de la douceur