Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/438

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face à face avec le géant qui, pendant tout le combat, l’avait empêché d’accomplir le projet pour lequel il avait pris les armes. Ils combattaient avec une égalité qui peut-être n’aurait pas existé, si Henri, plus blessé que son antagoniste, n’eût pas été quelque peu privé de son agilité habituelle.

Cependant, Éachin, se trouvant seul, après des efforts extraordinaires, mais infructueux pour endosser l’armure de son frère de lait, se sentit animé par un mouvement de honte et de désespoir, et il s’élança pour soutenir son père nourricier dans cette lutte terrible, avant qu’aucun guerrier du clan Chattan vînt au secours d’Henri. Quand il fut à cinq pas, toujours fermement résolu à prendre part à ce combat mortel, son père nourricier tomba fendu depuis l’os du cou presque jusqu’au cœur, et murmurant encore avec un dernier souffle, bas air son Éachin ! Le malheureux jeune homme vit la chute de son dernier ami, et aperçut en même temps l’ennemi terrible qui le poursuivait depuis le commencement de la lutte, debout devant lui et à portée du sabre, et brandissant l’arme énorme qui lui avait ouvert un passage pour venir à travers tant d’obstacles lui arracher la vie. Peut-être en fut-ce assez pour rendre excessive sa timidité physique, ou peut-être pensait-il au même instant qu’il était sans armure, et qu’une rangée d’ennemis, haletants, il est vrai, et criblés de blessures, mais altérés de vengeance et de sang, avançaient en toute hâte. Son cœur se souleva, ses yeux s’obscurcirent, ses oreilles tintèrent, la tête lui tourna, toute autre considération se perdit dans la crainte d’une mort instantanée ; et, appliquant un coup à l’armurier sans le blesser, il évita celui qu’on lui renvoyait en retour, par un saut en arrière ; et avant qu’Henri eût eu le temps de relever son arme, Éachin s’était jeté dans la rivière. Des exclamations de mépris le poursuivaient pendant qu’il traversait le fleuve à la nage, quoiqu’il n’y eût peut-être pas une douzaine de spectateurs qui eussent fait autrement en pareille circonstance. Henri regarda le fugitif s’éloigner d’un air surpris et en silence, mais ne put considérer les conséquences de cette fuite, car une défaillance le saisit aussitôt qu’il ne fut plus soutenu par l’ardeur du combat. Il s’assit sur le bord du Tay couvert de gazon, et tâcha d’étancher celles de ses blessures qui saignaient le plus abondamment.

Les vainqueurs recevaient pour récompense les félicitations unanimes : le duc d’Albany et d’autres descendirent visiter la