Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/430

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habitués à ces scènes de sang et de confusion, ne pouvaient néanmoins pas encore découvrir si un parti avait obtenu de l’avantage sur l’autre. La victoire, de fait, passait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, mais c’était seulement une supériorité d’un moment, que la troupe victorieuse perdait incontinent par un nouvel effort de la troupe vaincue. Les sons sauvages des cornemuses se faisaient encore entendre malgré le tumulte, et stimulaient de plus en plus la rage des combattants.

Tout à coup cependant, comme d’un consentement mutuel, les instruments sonnèrent une retraite ; c’était un air lugubre, qui semblait gémir en l’honneur des guerriers morts. Les deux partis lâchèrent prise pour respirer quelques instants ; les yeux des spectateurs examinèrent avec empressement les bataillons endommagés des combattants lorsqu’ils suspendirent la mêlée, mais il fut encore impossible de décider lequel des deux avait le plus souffert. Il semblait que le clan Chattan avait perdu moins d’hommes que l’autre troupe ; mais en compensation, les cottes de mailles sanglantes de ce clan, car on avait de part et d’autre dépouillé les manteaux, montraient que le nombre des blessés était plus considérable de ce côté. Vingt guerriers, tant d’un parti que de l’autre, gisaient sur le champ de bataille, morts ou mourants ; et des bras et des jambes coupés, des têtes détachées du cou, des entailles profondes traversant l’épaule jusqu’à la poitrine, trahissaient à la fois la furie du combat, le genre terrible des armes employées, et la fatale vigueur des bras qui les maniaient. Le chef du clan Chattan s’était conduit avec le courage le plus déterminé, et était légèrement blessé. Éachin aussi avait combattu avec valeur, entouré par ses gardes du corps. Son épée était sanglante, son air résolu et belliqueux ; et il sourit lorsque le vieux Torquil, le serrant dans ses bras, l’accabla d’éloges et de bénédictions.

Les deux chefs, après avoir laissé leurs hommes reprendre haleine environ dix minutes, reformèrent leurs rangs, diminués environ d’un tiers de leur nombre primitif. Ils choisirent alors le lieu du combat plus proche de la rivière que celui où ils s’étaient d’abord rencontrés, et qui était encore encombré de morts et de blessés. On voyait, de temps à autre, quelques-uns de ces derniers lever la tête pour jeter un coup d’œil sur le champ de bataille, puis retomber, presque tous pour mourir, vu les flots de sang qui sortaient des terribles blessures faites par la claymore.