Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/418

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Il feuilleta les papiers qu’il tenait à la main, passant sur les uns après un coup d’œil rapide, et s’arrêtant sur d’autres comme si leur contenu était de la dernière importance. Quand il eut employé environ un quart d’heure de cette manière, il leva les yeux, et dit fort gravement : « Milord, dans ces tristes documents, c’est encore une consolation de ne rien voir qui puisse ramener dans le conseil du roi les divisions que nous avons éteintes dernièrement par une solennelle réconciliation entre Votre Seigneurie et moi. Mon malheureux neveu devait, d’après nos arrangements, subir un exil momentané, jusqu’à ce que le temps eût mûri son caractère. Le ciel en a disposé, et notre intervention en cette affaire est rendue inutile. — Si Votre Grâce, répliqua le comte, ne voit rien qui doive troubler la bonne intelligence nécessaire entre nous pour assurer le repos et la paix de l’Écosse, je ne suis pas assez peu ennemi de mon pays pour y regarder de trop près. — Je vous comprends, milord de Douglas, » dit Albany avec empressement. « Vous vous étiez imaginé trop promptement que je me trouverais blessé de l’usage que Votre Seigneurie a fait de son pouvoir sur mes propres terres de Falkland en punissant de détestables assassins. Croyez, au contraire, que je suis obligé à Votre Seigneurie de ce qu’elle m’évite la peine de châtier ces misérables ; car rien que leur aspect m’aurait déchiré le cœur. Le parlement écossais informera sans doute sur cette action sacrilège ; et je suis heureux que le glaive vengeur ait été saisi par un homme aussi important que Votre Seigneurie. Nos conventions, comme vous pouvez vous en souvenir, se bornaient à tenir en respect mon infortuné neveu, jusqu’à ce qu’une ou deux années de plus l’eussent rendu discret. — Tel était, certainement le projet que Votre Grâce m’avait communiqué, dit le comte, je puis l’avouer en toute sûreté. — Eh bien donc ! noble comte, on ne pourra nous blâmer de ce que les infâmes, pour satisfaire une vengeance personnelle, ont terminé l’exécution d’un sage projet par une catastrophe sanglante. — Le parlement en jugera d’après sa sagesse ; pour ma part, ma conscience m’acquitte. — Et la mienne me déclare innocent, » dit le duc avec fermeté. « Maintenant, milord, comment veillerons-nous sur le jeune Jacques[1] qui se trouve ainsi appelé à recueillir la succession de son père ? — Le roi en décidera, » répondit Douglas impatienté de cette

  1. Second fils de Robert III, frère de l’infortuné duc de Rothsay, et ensuite roi d’Écosse, avec le nom de Jacques Ier. w. s.