Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/413

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est soi-même un fir nan ord, on sait que le forgeron est fier quand le fer est chaud. — Si on est soi-même un homme de marteau, on peut fabriquer soi-même son harnais de guerre. — C’est ce qu’on eût fait, et l’on ne serait jamais venu vous importuner à ce sujet ; mais on dit, Gow Chrom, que vous chantez et sifflez des airs sur les épées et les cuirasses que vous forgez, qui ont le pouvoir de faire couper aux lames des anneaux d’acier, comme si c’était du papier, et de faire que les cuirasses et les cottes de mailles résistent aux lames d’acier comme si elles n’étaient que des épingles. — On a fait gober à votre ignorance des sottises que tout chrétien refuserait de croire, dit Henri. Je siffle en travaillant tout ce qui me passe en tête, comme un honnête artisan, et d’ordinaire c’est la chanson des montagnards. « Je monte à la potence ! » Mon marteau va tout seul à cet air-là. — Ami, c’est une sottise d’éperonner un cheval quand il a les jambes liées, » dit le montagnard d’un ton hautain ; « on n’est pas libre de se battre à présent, et il y a peu de bravoure à nous provoquer ainsi. — Par les tenailles et le marteau, vous avez raison, » dit l’armurier en changeant de ton ; « mais parlez vite : que voulez-vous de moi ? Je ne suis pas en humeur de babiller. — Un haubert pour mon chef, Éachin Mac-Jan. — Vous êtes armurier, dites-vous ? Que pensez-vous de celui-ci ? » répliqua notre forgeron en tirant d’un coffre la cotte de mailles qu’il venait de fabriquer.

Le Gaël la prit avec un degré d’admiration où se mêlait quelque peu d’envie. Il en examina attentivement toutes les parties, et enfin il déclara que c’était la meilleure armure qu’il eût jamais vue.

« Cent vaches et cent taureaux, avec un bon troupeau de moutons, seraient une offre trop considérable, » dit le montagnard pour tâter l’artisan ; « mais on ne te donnera pas moins, on se les procurera comme on pourra. — L’offre est belle, répliqua Henri ; mais ce n’est ni de l’or ni des marchandises qui payeront le haubert ; je veux essayer ma propre épée sur ma propre armure, et je ne donnerai cette cotte de mailles qu’à celui qui parera contre moi trois coups et une passe en champ clos. Elle est à votre chef, à cette condition. — La, la, l’ami… buvez un coup et campez-vous au lit, » répliqua le montagnard avec un grand dédain. « Êtes-vous donc fou ? ne croyez-vous pas que le chieftain du clan de Quhele voudrait se mesurer, batailler avec un méchant bourgeois de Perth comme vous ? De la raison, l’homme. Écoutez : on vous