Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/41

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traires, battait si fort, qu’il semblait vouloir briser la veste de cuir dont il était recouvert. Il se leva, détourna la tête et tendit la main au gantier, sans montrer sa figure, comme s’il eût craint de laisser lire son trouble sur sa physionomie.

« Que je sois pendu si je te dis adieu, l’ami ! » s’écria Simon, frappant le plat de sa main sur celle que l’armurier lui présentait : « je ne te serrerai pas la main avant une heure pour le moins. Demeure un seul instant, l’ami, et je t’expliquerai tout cela ; et sûrement quelques gouttes de sang après une égratignure, quelques sottes paroles sorties des lèvres d’une folle, ne sépareront pas le père et le fils quand ils sont restés si long-temps sans se voir. Demeure donc, mon ami, si tu souhaites jamais la bénédiction d’un père et celle de saint Valentin ; car c’est aujourd’hui la sainte veille de sa fête. »

Le gantier appela aussitôt Dorothée ; et après qu’un trousseau de clefs eut bien sonné, qu’on eut monté et descendu l’escalier, Dorothée parut, portant trois larges gobelets de verre vert, qu’on regardait alors comme une grande et précieuse curiosité. Maître Glover suivait portant une vaste bouteille, contenant au moins trois doubles pintes de nos jours dégénérés… « Voici une coupe de vin, Henri, qui a au moins le double de mon âge ; c’est un cadeau que reçut mon père du vieux Crubbe, fameux ingénieur flamand, qui défendit Perth si vigoureusement sous la minorité de David II. Nous autres gantiers, nous pouvons encore faire quelque chose en temps de guerre, quoique la guerre nous regarde moins que vous, qui travaillez en acier et en fer. Et mon père avait plu au vieux Crubbe… Quelque autre jour je te dirai pourquoi, et aussi comment ces bouteilles sont restées enfouies sous terre pendant long-temps pour les préserver des pillards du sud. Aussi viderai-je une coupe au repos de l’âme de mon vénérable père… puissent ses péchés lui être remis ! Dorothée, tu vas faire raison à ce toast, et puis tu monteras dans ta mansarde. Je sais que les oreilles te démangent toujours, ma vieille ; mais j’ai à dire des choses qu’Henri Smith, le fils de mon adoption, doit seul entendre. »

Dorothée ne se hasarda point à répondre ; mais vidant courageusement son verre ou plutôt son gobelet, elle se retira dans sa chambre à coucher, en conséquence des ordres de son maître : les deux amis restèrent seuls.

« Je suis très-affligé, Henri mon ami, » dit Simon en remplis-