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des nombreux courriers qui allaient et revenaient sans cesse de la cour au quartier-général du clan pour régler les conditions de combat, la marche des combattants à Perth, et d’autres détails qui devaient être réglés à l’avance. On était au milieu du mois de mars, et le fatal dimanche des Rameaux approchait rapidement.

Tandis que le temps marchait ainsi, le gantier exilé n’avait pas vu une seule fois son ex-apprenti. Le soin qu’on prenait de pourvoir à ses besoins sous tous les rapports montrait qu’il n’était point oublié. Mais quand il entendait retentir dans les bois le cor du jeune chef, il ne manquait jamais de diriger sa marche du côté opposé. Un matin, cependant, il se trouva à l’improviste très-près d’Éachin, presque sans avoir le temps de l’éviter. Voici comment cela se fit.

Comme Simon se promenait tout pensif dans une petite clairière entourée de tous côtés par de grands arbres mêlés de broussailles, une biche blanche sortit du fourré, serrée de très-près par deux chiens de chasse, dont l’un la saisit à la hanche et l’autre au cou, et ils la renversèrent à quelque distance du gantier, qui tressaillit à cet incident inattendu. Le son perçant et rapproché d’un cor et l’aboiement d’un chien apprirent à Simon que les chasseurs étaient près de lui et sur la trace de la biche. Il entendit bientôt leurs cris et le bruit de leur marche dans la forêt. Un moment de réflexion aurait convaincu Simon que ce qu’il avait de mieux à faire était de rester à cette place ou de se retirer lentement, et de se montrer à Éachin ou non, selon qu’il le jugerait convenable. Mais son désir d’éviter le jeune chef était devenu chez lui une espèce d’instinct ; et alarmé de se trouver si près de lui, Simon se cacha dans un buisson de coudriers mêlés de houx, qui l’empêchait complètement d’être vu. À peine s’y était-il jeté qu’Éachin, le visage animé par l’exercice, s’élança du fourré dans la clairière, accompagné de son père nourricier, Torquil du Chêne. Ce dernier, avec autant de force que d’adresse, renversa sur le dos la biche qui luttait encore, et saisissant ses pieds de devant de la main droite, tandis qu’il lui appuyait le genou sur la poitrine, il présenta de la main gauche son couteau de chasse au jeune Éachin pour qu’il coupât la gorge de l’animal.

« Faites cela vous-même, Torquil, dit le jeune homme ; je ne puis tuer une biche qui ressemble tant à celle qui m’a nourri. »

Il prononça ces mots avec un sourire mélancolique, et en même temps une larme brilla dans ses yeux. Torquil regarde un instant