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ment irrité, quoiqu’il ne tardât pas à étouffer les premières inspirations de la passion. Il fut bientôt délivré de ses craintes en entendant Éachin dire d’une voix rauque et altérée :

« Que cette conversation reste pour jamais couverte du silence ; si tu la mettais au jour, tu ferais mieux de creuser ton tombeau. »

En parlant ainsi il ouvrit la porte de la hutte, qui laissa pénétrer un rayon de lune. Simon vit le jeune chef sortir ; la porte de claies se referma, et il se retrouva dans l’obscurité.

Simon Glover éprouva un grand soulagement quand cette conversation si vive et si périlleuse fut terminée aussi pacifiquement. Mais il n’en resta pas moins profondément affecté du sort d’Hector Mac-Jan qu’il avait élevé.

« Pauvre jeune homme ! se dit-il, être appelé à une position si élevée pour en être renversé avec mépris ! Je savais en partie ce qu’il m’a dit, ayant souvent remarqué que Conachar était plus disposé à se quereller qu’à se battre. Mais cette invincible faiblesse du cœur, que ni la honte ni la nécessité ne peuvent surmonter, quoique je ne sois pas un Wallace, je ne puis la concevoir. Et il se proposait d’épouser ma fille, comme si une femme devait trouver du courage pour elle et pour son époux ! Non, non ; Catherine veut un homme à qui elle puisse dire : Mon mari, épargnez votre ennemi ! et non un homme en faveur duquel il lui faille crier : Généreux ennemi, épargnez mon mari ! »

Fatigué par ces réflexions, le vieux gantier tomba enfin dans un profond sommeil. Le matin il fut éveillé par son ami Booshalloch, qui, d’un air un peu confus, lui proposa de retourner à sa demeure de la plaine de Bellough, c’est-à-dire à l’endroit où le Tay sort du lac. Il dit que les préparatifs du combat empêchaient Éachin de visiter son hôte ; mais que le chieftain, pensant que Bellough serait un endroit plus agréable à Simon, avait ordonné, à lui Booshalloch, d’y reconduire le gantier et de pourvoir amplement à ses besoins et à sa sûreté.

Niel Booshalloch s’étendit sur ces détails pour pallier l’impolitesse que montrait son chef en renvoyant ainsi son hôte sans lui donner une entrevue particulière.

« Son père aurait mieux su ce qu’il y avait à faire, dit le berger ; mais où aurait-il appris les usages, ce pauvre jeune homme, élevé au milieu de vos bourgeois de Perth, qui, à part vous, voisin Glover, qui parlez le celtique aussi bien que moi-même, ne connaissent rien à la politesse ? »