Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/359

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privée. — Quoi ! pour vous faire enfin gantier, Conachar ? dit Simon ; cela passe la légende de saint Crépin. Non, non, votre main n’est pas faite pour cette profession ; vous ne me gâterez plus de peaux de daims. — Ne plaisantez pas, père Glover, je parle sérieusement. Si je ne puis travailler, j’emporterai assez de richesses pour vivre sans rien faire. Ils me proclameront renégat au son des cors et des cornemuses, n’importe ; Catherine m’en aimera mieux pour avoir préféré les sentiers de la paix à ceux de la guerre, et le père Clément nous apprendra à prendre le monde en pitié et à lui pardonner ses reproches, qui ne nous blesseront point. Je serai le plus heureux des hommes ; Catherine jouira de tout ce que peut procurer une affection sans bornes, et n’aura point à craindre les scènes d’horreur que lui préparerait l’union mal assortie que vous projetez ; et vous, père Simon, vous resterez au coin de votre foyer, l’homme le plus heureux et le plus respecté que jamais… — Arrêtez, Éachin, arrêtez, je vous prie, dit le gantier ; la lumière qui nous éclaire, et avec laquelle doit finir ce discours, tire à sa fin : je voudrais dire un mot à mon tour, car la franchise est ce qu’il y a de mieux. Quel que puisse être votre tourment, votre fureur même, à la déclaration que je veux vous faire, je veux mettre fin à ces visions en vous disant, une fois pour toutes, que Catherine ne peut jamais être à vous. Un gant est l’emblème de la bonne foi ; un homme de ma profession peut donc y manquer moins qu’un autre. La main de Catherine est promise, promise à un homme que vous haïssez, mais que vous devez honorer, à Henri l’armurier. Cette union est convenable pour le rang, conforme à leur désir mutuel, et j’y ai engagé ma parole. Il vaut mieux être franc ; vengez-vous de mon refus comme vous voudrez, je suis tout à fait en votre pouvoir, mais rien ne me fera manquer à ma parole. »

Le gantier parlait si résolument, parce qu’il savait par expérience que l’humeur irritable de son ex-apprenti cédait presque toujours à un ton ferme et déterminé. Cependant, se rappelant où il était, ce ne fut pas sans quelque crainte qu’il vit la lumière expirante s’élancer en l’air, et répandre un éclat momentané sur le visage d’Éachin, qui était pâle comme la mort, tandis que son œil roulait comme celui d’un maniaque pendant un accès. La lumière retomba aussitôt et s’éteignit, et Simon éprouva un instant la crainte d’avoir à défendre sa vie contre un jeune homme qu’il savait capable des actions les plus violentes quand il était forte-