Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/358

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battre bras contre bras, jusqu’à ce que les bras ne puissent plus se lever pour soutenir ce terrible combat ! Si l’idée seule d’une telle bataille est si horrible, que pensez-vous que sera la réalité ? »

Le gantier garda le silence.

« Je vous le demande, qu’en pensez-vous ? — Je ne puis qu’avoir pitié de vous, Conachar, dit Simon ; il est cruel d’être le rejeton d’une race courageuse, le fils d’un noble père, le chef, par droit de naissance, d’une brave tribu, et de manquer, ou de croire manquer (car j’espère toujours que cela tient seulement à la vivacité de votre imagination qui s’exagère le danger) de cette qualité que possède tout coq de combat qui mérite une poignée de grain, tout chien qui mérite la curée. Mais comment se fait-il qu’avec ce sentiment de frayeur à l’idée d’un combat, vous m’offriez à l’instant même de partager votre rang avec ma fille ? Votre pouvoir dépend du résultat de cette bataille, et Catherine ne peut aider à votre lutte. — Vous vous méprenez, vieillard, dit Éachin. Que Catherine accorde un regard de bienveillance à l’ardent amour que je lui porte, et je m’élancerai contre l’ennemi avec l’impétuosité d’un cheval de bataille. Quelque accablé que je sois du sentiment de ma faiblesse, l’idée que Catherine s’intéresse à moi me donnerait de la force. Dites-moi, ah ! dites-moi qu’elle m’appartiendra, et je suis vainqueur dans ce combat, et Gow-Chrom lui-même, dont le cœur est aussi dur que son enclume, n’aura jamais marché au combat avec autant de courage que moi. Une passion forte est vaincue par une autre. — C’est de la folie, Conachar ; le souvenir de votre intérêt, de votre honneur, de votre race, ne peut-il enflammer autant votre courage que la pensée d’une jeune fille ? Fi donc, fi ! — Vous ne me dites que ce que je me suis dit à moi-même, » répondit Éachin en soupirant ; « mais ce n’est que lorsque le cerf timide est accouplé avec la biche qu’il est désespéré et dangereux. Est-ce un effet de ma constitution, ou celui du lait de la biche blanche, comme diront nos vieilles femmes des montagnes : est-ce le résultat de mon éducation paisible et de la contrainte où vous me teniez ? ou bien, est-ce l’effet d’une imagination trop ardente qui représente le danger plus terrible et plus redoutable encore qu’il n’est réellement ? je ne saurais le dire, mais je connais ma faiblesse. Et… oui, il faut le dire, elle est si grande que je ne puis en triompher, et, que si vous consentez à mes désirs, j’hésiterai encore, je renoncerai au rang où je suis monté, pour rentrer dans la vie