Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/354

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il leva les mains en disant : « Mon père, car vous avez été un père pour moi, je vais vous dire un secret. La raison et l’orgueil me conseillent le silence, mais le destin me presse de parler, et il lui faut obéir. Je vais vous confier le secret le plus grand et le plus cher que jamais un homme ait livré à un homme. Mais prenez garde ; de quelque manière que se termine cette conférence, prenez garde de prononcer jamais une syllabe de ce que je vais vous dire ; car sachez que, dussiez-vous le faire dans le coin le plus reculé de l’Écosse, j’ai des oreilles pour l’entendre, et une main ou un poignard pour atteindre le traître. Je suis… le mot ne peut sortir de ma bouche. — Ne le dis donc point, dit le prudent Glover ; un secret n’est plus en sûreté dès qu’il a passé les lèvres de celui qui le possède, et je ne désire point une confidence aussi dangereuse que celle dont vous me menacez. — Oui, mais je dois parler et vous devez m’entendre, dit le jeune homme. Dans ce temps de troubles, mon père, vous devez avoir porté les armes. — Une fois seulement, répondit Simon, quand les Anglais attaquèrent la jolie ville. Je fus sommé de contribuer à la défense comme j’y étais obligé par redevance ; car tous ceux qui exercent une profession sont tenus de veiller à la sûreté de la ville et de la défendre. — Et qu’avez-vous ressenti en cette occasion ? demanda le jeune chef. — Qu’importe pour l’affaire qui nous occupe, » dit Simon, un peu surpris.

« Cela importe beaucoup, autrement je ne vous l’eusse pas demandé, » répondit Éachin du ton de hauteur qu’il prenait quelquefois.

« Un vieillard se décide aisément à parler du temps passé, » dit Simon qui, en y réfléchissant un instant, ne fut pas fâché de tourner la conversation sur tout autre sujet que sa fille ; « et je dois l’avouer, mes sentiments ne ressemblaient guère à la confiance joyeuse, au plaisir même avec lequel j’ai vu d’autres hommes aller au combat. Je menais une vie et j’exerçais une profession paisible ; et quoique je n’aie jamais manqué de courage quand l’occasion le demandait, cependant j’ai rarement plus mal dormi que la nuit qui précéda cette bataille. Mon esprit était tourmenté de tout ce que j’avais entendu raconter des archers saxons, et, ce qui était la pure vérité, de ce qu’ils lançaient des flèches d’une aune, et se servaient d’arcs plus longs que les nôtres. Quand je m’endormais un instant, si une paille de mon matelas me piquait le côté, je m’éveillais en sursaut, pensant