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un couteau court et pointu, et s’élançant sur Henri Smith, il tenta de le lui enfoncer au-dessus de l’os du cou, ce qui eût été une blessure mortelle. Mais l’objet de cette violence fut si prompt à se défendre en saisissant la main de l’assaillant, que le coup porta seulement sur l’os, et fit jaillir peu de sang. Arracher le fer de la main du jeune homme, et le retenir avec la sienne comme dans son étau de fer, fut pour le vigoureux forgeron l’affaire d’un instant. Conachar, se sentant au pouvoir du formidable antagoniste qu’il avait provoqué, devint horriblement pâle de rouge qu’il était deux minutes avant, et resta muet de honte et de crainte, jusqu’à ce que, lâchant prise, Smith lui dit tranquillement : « Il est heureux pour toi que tu ne puisses me mettre en colère. Tu n’es qu’un enfant, et moi, homme fait, je n’aurais pas dû te provoquer ; que ce soit une leçon pour toi. »

Conachar demeura un instant comme s’il allait répliquer, puis sortit de l’appartement avant que Simon se fût assez recueilli pour parler. Dorothée courait par toute la maison pour trouver de l’onguent et des herbes médicales. Catherine s’était évanouie en voyant jaillir le sang.

« Laissez-moi partir, père Simon, dit Henri tristement ; j’aurais parié que ma mauvaise fortune me suivrait, et que j’apporterais des querelles et du sang dans une maison où j’eusse souhaité le plus d’amener paix et bonheur. Ne vous inquiétez pas de moi… Occupez-vous de la pauvre Catherine ; la vue de cette lutte l’a tuée, et cela par ma faute. — Ta faute, mon fils !… La faute en est à ce coquin de montagnard, dont la présence est une malédiction pour moi ; mais il retournera demain matin dans son glen, où il goûtera de la prison des bourgeois. Attenter à la vie de l’hôte de son maître dans la maison de son maître !… voilà qui rompt tout lien entre nous… Mais voyons ta blessure. — Catherine ! répéta l’armurier, songez à Catherine. — Dorothée le verra, répondit Simon ; surprise et peur ne tuent pas… Couteaux et poignards tuent ; et elle n’est pas plus la fille de mon sang que toi, mon cher Henri, tu n’es le fils de mes affections. Voyons ta blessure : le couteau est une arme dangereuse dans la main d’un montagnard. — Je ne m’en embarrasse pas plus que d’une égratignure de chat, reprit l’armurier ; et maintenant que les couleurs reviennent sur les joues de Catherine, vous allez me voir guéri dans un instant. »

Il se tourna vers un coin de la chambre où se trouvait un petit