Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/336

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l’aimer. Il le respectait, parce que la personne et le caractère du moine lui inspiraient ce sentiment, et il ne l’aimait point, parce que les opinions religieuses du père Clément avaient causé l’exil de sa fille et son propre malheur. Ce ne fut donc pas avec un plaisir sans mélange qu’il lui rendit son salut, et ce ne fut que lorsque le moine lui eut demandé une seconde fois ce qu’il pensait des cérémonies funèbres, accomplies d’une manière si sauvage, qu’il répondit :

« Je ne sais qu’en penser, mon père ; mais ces hommes rendent les derniers devoirs à leur chef mort, à la manière de leurs ancêtres. Ils veulent exprimer les regrets que leur inspire la perte d’un ami, et adresser leurs prières au ciel en sa faveur ; et ce qu’on fait en bonne intention doit, selon moi, être accueilli favorablement. S’il n’en était pas ainsi, il me semble que depuis longtemps ils auraient été éclairés pour agir mieux. — Vous vous trompez, répondit le moine. Dieu a envoyé sa lumière à tous, quoique dans des proportions différentes ; mais les hommes ferment honteusement les yeux, et préfèrent les ténèbres. Ce peuple aveuglé mêle les vieilles cérémonies païennes de ses pères aux rites de l’Église romaine, et réunit ainsi les abominations d’une église corrompue par la richesse et la puissance, avec les rites sanguinaires et cruels de païens sauvages. — Mon père, » dit Simon un peu brusquement, « il me semble qu’il serait plus convenable que vous allassiez dans cette chapelle aider vos frères à remplir leurs devoirs de prêtres, que de rester ici pour ébranler et troubler la croyance d’un humble chrétien comme moi. — Et pourquoi dites-vous, mon frère, que je veux ébranler les principes de votre croyance ? répondit Clément ; j’en atteste le ciel, si mon sang était nécessaire pour attacher d’une manière indissoluble l’esprit d’un homme à la sainte religion qu’il professe, je le verserais avec joie pour une telle cause. — Vous parlez bien, mon père, je l’avoue, répondit le gantier ; mais je dois juger de la doctrine par ses fruits : le ciel m’a puni par la main de l’Église pour vous avoir écouté jusqu’ici. Avant que je vous eusse entendu, mon confesseur ne se fâchait guère quand je lui avouais que j’avais tenu quelque propos joyeux en vidant un pot de bière, quand même un moine ou une nonne en aurait été le sujet ; si j’avais dit alors que le père Hubert chassait plutôt les lièvres que les âmes, je me confessais au vicaire Vinesauf, qui riait et me faisait payer un écot pour pénitence. Si je disais que le vicaire Vinesauf