Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/334

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pir ; et pour donner la pompe convenable à ses funérailles, on allait porter son corps sur le lac jusqu’à l’île où devaient temporairement reposer ses restes. La flottille funéraire, conduite par la barque du chef, où se déployait un vaste drapeau noir, avait fait plus des deux tiers du chemin avant d’être aperçue de l’éminence où Simon s’était placé. Dès qu’on put entendre le son éloigné du coronach de la barque lugubre, tous les autres bruits lugubres cessèrent tout à coup, comme le corbeau cesse de croasser et le faucon de siffler quand le cri de l’aigle se fait entendre. Les barques qui flottaient çà et là sur le lac, comme une bande d’oiseaux aquatiques se dispersant sur sa surface, se réunirent avec une apparence d’ordre, afin que la flottille de mort pût passer, et elles-mêmes se placer à la suite. Cependant le bruit perçant des cornemuses devint plus éclatant, et des barques sans nombre qui suivaient celle où se déployait la bannière du chef, s’éleva un concert sauvage de cris plaintifs qui retentit jusqu’au sommet du Tom-an-Lonach d’où le bourgeois de Perth contemplait ce spectacle. Le bateau qui ouvrait le cortège portait à sa poupe une espèce d’estrade où était étendu le corps du chef mort, enveloppé d’une toile blanche et le visage découvert. Son fils et ses plus proches parents remplissaient cette barque qui était suivie d’un grand nombre d’autres, qu’on avait trouvées sur le lac de Tay ou même apportées par terre du lac Earn et d’autres endroits ; plusieurs de ces barques étaient de construction très-fragile. Il y avait même des currags, formés de cuirs de bœuf, étendus sur des cerceaux de saule à la manière des anciens Bretons. Quelques montagnards s’étaient placés sur des radeaux construits pour la circonstance avec les premiers matériaux qui s’étaient présentés, et attachés avec si peu de solidité, qu’il était probable qu’avant la fin du voyage quelques-uns des membres du clan du défunt pourraient bien le suivre dans le monde des esprits.

Quand la principale flottille vint en vue du groupe de bateaux, rassemblés à l’extrémité du lac, et qui se dirigeaient vers l’île, ils se saluèrent mutuellement par un cri si éclatant, si général, et terminé par une cadence prolongée d’une manière si sauvage, que non-seulement les daims s’enfuirent de leur retraite et à plusieurs milles à la ronde, pour chercher des endroits plus éloignés dans les montagnes, mais que les animaux domestiques même, habitués à la voix des hommes, éprouvèrent la même frayeur pa-