Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/310

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mait encore ; son cœur palpitait comme s’il eût voulu sortir de sa poitrine, et ses pleurs baignaient le visage de son père. Le bon vieillard s’éveilla, leva les yeux, fit un signe de croix sur le front de sa fille, et l’embrassa affectueusement.

« Je te comprends, Catherine, dit-il, tu viens à confesse, et avec le désir, j’espère, d’éviter une dure pénitence par ta sincérité. »

Catherine se recueillit un instant, puis elle prit la parole en ces termes :

« Je n’ai pas besoin de vous demander, mon père, si vous vous rappelez le père Clément, et si vous gardez le souvenir de ses sermons et de ses instructions, auxquels vous avez assisté si souvent, que l’on vous regarde comme un de ceux qu’il a convertis ; on le disait aussi de moi, et avec plus de raison. — Je sais tout cela, » dit le vieillard en se levant sur son coude ; « mais je défie la mauvaise renommée de montrer que je l’aie jamais approuvé en quelque proposition hérétique, quoique j’aimasse à l’entendre parler de la corruption de l’Église, du mauvais gouvernement de la noblesse, de l’ignorance des pauvres, ce qui me paraissait prouver que toute la vertu, la force et la considération de l’État se trouvaient dans la première classe des bourgeois, doctrine très-saine et très-honorable pour la ville. Et s’il a prêché quelque hérésie, pourquoi les supérieurs de son couvent le permettaient-ils ? Si les bergers amènent au milieu du troupeau un loup revêtu d’une peau de mouton, ils ne peuvent blâmer les agneaux de se laisser dévorer. — Ils ont souffert ses prédications, reprit Catherine ; ils les ont même encouragées, tant que les vices des laïques, les querelles des nobles et l’oppression du pauvre, étaient l’objet de sa censure ; et ils se réjouirent de voir la foule s’empresser à leur église, et déserter celles des autres couvents. Mais les hypocrites se sont unis avec les autres moines pour accuser leur prédicateur Clément, quand, après avoir censuré les crimes des laïques, il commença d’attaquer l’orgueil, l’ignorance et la corruption des hommes d’église, leur soif du pouvoir, leur autorité usurpée sur la conscience des hommes, et leur désir d’accroître leurs richesses terrestres. — Pour l’amour de Dieu, Catherine, dit Simon, parlez de manière à n’être pas entendue. Vous élevez la voix, vous parlez avec un ton d’amertume… vos yeux étincellent. C’est ce zèle pour ce qui ne vous regarde pas plus que les autres qui fait que des malveillants vous donnent le nom odieux