Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un coup assez copieux pour déranger les facultés de tout autre rendit à Bonthron le complet usage des siennes. Cependant, il paraissait ne pas se rappeler où il était, et ce qui lui était arrivé ; il demanda de son ton brusque et bref pourquoi on l’avait apporté sur le bord d’une rivière, à une pareille heure de la nuit.

« Autre folie de ce maudit prince, pour me jeter dedans, comme il a déjà fait. Ongles et sang, je voudrais !… — Tais-toi, dit Éviot, et s’il est en toi quelque reconnaissance, remercie-nous d’avoir sauvé ton corps du bec des corbeaux, et ton âme, d’un lieu où l’eau est trop rare pour tu puisses t’y noyer. — Je commence à me rappeler, » dit le scélérat ; et portant le flacon à sa bouche, il lui donna une longue et cordiale accolade, puis posant à terre la bouteille vide, il baissa la tête sur sa poitrine, et sembla s’occuper à mettre en ordre ses souvenirs confus.

« Nous ne pouvons pas attendre plus long-temps la fin de ses méditations, dit alors Dwining ; il sera mieux après avoir dormi. Allons, levez-vous ; vous avez voyagé en l’air pendant quelques heures ; essayez si l’eau n’est pas un moyen de transport plus commode. Allons, vous autres, aidez-moi. Je ne puis pas plus remuer cette masse que je ne pourrais soulever un bœuf mort. — Tiens-toi debout, Bonthron, maintenant que nous t’avons mis sur tes pieds, dit Éviot. — Je ne peux pas ; chaque goutte de mon sang coule dans mes veines comme si elle avait une pointe d’épingle, et mes genoux refusent de porter leur fardeau. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est quelqu’un de tes tours, chien de médecin. — Oui, oui, honnête Bonthron, dit Dwining, un tour dont tu me remercieras quand tu le connaîtras. En attendant, étends-toi à la poupe de cette barque, et laisse-moi te couvrir de ce manteau. »

Ils portèrent Bonthron dans la barque et l’y placèrent aussi commodément qu’il se pouvait. Il répondit à leurs soins par quelques murmures semblables au grognement d’un sanglier qui trouve une nourriture qu’il aime.

« Et maintenant, Buncle, dit le médecin, vous savez ce que vous avez à faire. Vous allez transporter par eau cette masse vivante à Newbourg, où vous en disposerez selon que vous savez. En attendant, voici ses fers et les bandages, marques de sa détention et de sa délivrance. Attachez-les ensemble et jetez-les dans l’endroit le plus profond où vous passerez ; car s’ils étaient trouvés en notre possession, ils pourraient parler contre nous.