Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/302

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Ils arrivèrent ainsi sans être remarqués dans les vastes arches gothiques du vieux pont, construit par la munificence de Robert de Bruce, en 1329, et emporté par une inondation en 1621. Bien qu’ils entendissent la voix d’un garde de la ville qui, depuis le commencement des troubles, surveillait la nuit ce passage important, aucune question ne leur fut adressée ; et quand ils furent assez loin pour n’être plus entendus par ces sentinelles nocturnes, ils recommencèrent à ramer, quoique encore avec précaution, et à s’entretenir à voix basse.

« Vous avez trouvé un nouveau métier, camarade, depuis que je vous ai quitté, dit un des rameurs à l’autre ; quand je vous ai quitté vous soigniez un chevalier blessé, et maintenant vous vous employez à enlever un corps mort à la potence. — Un corps vivant, s’il vous plaît, maître Buncle, ou bien mon art aurait mal servi mes desseins. — À ce que vous dites, maître apothicaire ; mais, n’en déplaise à votre science, jusqu’à ce que vous m’ayez dit votre secret, je me permettrai de douter du succès. — C’est un moyen fort simple, maître Buncle, et qui sans doute ne plaira point à un esprit aussi subtil que celui de votre vaillance. Le voici : Cette suspension du corps humain, qu’on appelle vulgairement pendaison, produit la mort par apoplexie, c’est-à-dire que les veines se trouvant comprimées, le sang ne peut plus retourner au cœur, se précipite vers la tête, et que l’homme meurt. De plus, et comme cause additionnelle de dissolution, les poumons ne reçoivent plus la quantité nécessaire d’air vital, attendu la ligature de la corde autour du thorax, et il faut que le patient périsse. — Je comprends fort bien tout cela ; mais comment l’empêcher, sire médecin ? » dit le troisième individu, qui n’était autre qu’Éviot, le page de Ramorny.

« Eh ! pendez-moi le patient de telle façon, répondit Dwining, que les artères carotides ne soient point comprimées, le sang ne se portera pas au cerveau et l’apoplexie n’aura pas lieu ; et s’il n’y a pas de ligature autour du thorax, les poumons ne manqueront pas plus d’air que si le pendu avait les pieds sur la terre ferme. — Je conçois cela encore, dit Éviot ; mais comment ces précautions peuvent-elles se concilier avec l’exécution de la sentence de pendaison, voilà ce que ma faible intelligence ne saurait comprendre. — Ah ! bon jeune homme, ta vaillance a gâté un excellent esprit. Si tu avais étudié sous moi, tu aurais appris des choses bien plus difficiles. Au reste, voici mon secret. Je me procure