Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/296

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charmés de se trouver en tête-à-tête dans une pareille circonstance.

Il faut que nous revenions maintenant à la lice, au moment où le combat avait cessé et où les nobles s’étaient retirés. La multitude était alors séparée en deux corps distincts ; le moins nombreux, et en même temps le plus distingué et le plus respectable, se composait des bourgeois de la première classe, qui félicitaient leur champion vainqueur, et se félicitaient les uns les autres de l’heureuse issue de leur démêlé avec les courtisans.

Les magistrats étaient si transportés de joie qu’ils prièrent sir Patrick Charteris d’accepter une collation dans la maison de ville. Henri, le héros de la journée, reçut l’invitation, ou plutôt l’ordre de s’y rendre, ce qui ne lui causa pas peu d’embarras, car on croira aisément que son cœur était déjà auprès de Catherine Glover ; mais l’avis de Simon le décida à ne point refuser. Ce citoyen vétéran avait naturellement une respectueuse déférence pour les magistrats de la belle ville et une profonde estime pour toutes les distinctions décernées par eux.

« Tu ne peux refuser d’assister à une cérémonie si solennelle, mon fils Henri, dit-il ; sir Patrick Charteris s’y trouvera, et tu ne rencontreras pas aisément une si bonne occasion de gagner sa faveur. Il est possible qu’il te commande une nouvelle armure, et j’ai moi-même entendu dire au bailli Craigdallie qu’il était question de fourbir les armes de la ville. Tu ne dois pas négliger les bonnes pratiques maintenant que tu penses à prendre les charges coûteuses d’un ménage. — Taisez-vous, je vous en supplie, mon père Glover, répondit le vainqueur confus, je ne manque point de pratiques, et vous savez qu’il y a chez moi Catherine qui s’étonnera de mon absence, et qui se laissera encore tromper par des contes sur quelque fille de joie, et c’est ce que je ne veux point. — Ne crains rien, dit le gantier, mais, comme un bourgeois docile, rends-toi où tes magistrats t’appellent. Je ne nie pas qu’il t’en coûtera quelque peine pour faire ta paix avec Catherine ; car, sur ces matières-là, elle se croit plus sage que le roi et le conseil, l’Église et les canons, le prévôt et les baillis. Mais j’entreprendrai moi-même la discussion avec elle, et je travaillerai si bien pour toi que, si elle le reçoit demain avec un peu de mauvaise humeur, cette humeur se convertira en rires et en larmes, comme une matinée d’avril qui commence par une pluie douce. Va, mon fils, et ne te fais pas attendre, demain après la grand’messe. »