Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/293

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Ceci fut dit avec tant d’assurance, et paraissait si plausible, que l’opinion de Smith sur l’innocence du prince en fut ébranlée.

« Hélas ! milord, » dit-il en jetant sur Rothsay un regard mélancolique, « Votre Altesse a-t-elle pu vouloir arracher la vie à un homme, parce qu’il avait fait son devoir en protégeant une pauvre jeune fille ?… J’aurais préféré mourir dans cette lice plutôt que d’entendre parler ainsi de l’héritier de Bruce. — Tu es un brave homme, Smith, dit le prince ; mais je ne puis m’attendre que tu juges plus sagement que les autres… Allons, conduisez ce misérable au gibet, et pendez-le vivant, comme il vous plaira, pour qu’il puisse débiter des mensonges et répandre des calomnies contre nous jusqu’au dernier moment de son existence. »

En parlant ainsi, le prince s’éloigna de la lice, dédaignant les regards sombres que la foule jetait sur lui, en lui livrant passage lentement et à contre cœur ; il s’avançait sans exprimer ni surprise, ni colère, du murmure sourd ou de l’espèce de rugissement qui accompagnait sa retraite. Quelques personnes de sa suite l’accompagnèrent seules, quoique plusieurs personnages de distinction fussent venus avec lui. Les citoyens de la classe inférieure cessèrent même de faire cortège au malheureux prince, que sa réputation d’étourderie et de légèreté avait exposé à tant d’accusations, et autour duquel semblaient se presser en ce moment des soupçons de la nature la plus atroce.

Il se retira pensif et à pas lents à l’église des dominicains. Mais les mauvaises nouvelles, qui ont des ailes, comme dit le proverbe, étaient parvenues jusqu’à son père avant son arrivée. Lorsqu’il entra dans le palais et qu’il demanda à voir le roi, il apprit, non sans étonnement, que le monarque était en grande conférence avec Albany ; le frère du roi étant monté à cheval au moment où le prince sortait de la lice, était arrivé avant lui au palais. Rothsay, usant du privilège de son rang, de sa naissance, allait entrer dans l’appartement royal, quand Mac-Louis, le commandant de la garde des Brandanes, lui donna à entendre qu’il avait des instructions spéciales pour ne pas l’introduire.

« Au moins, dit le prince, allez leur dire, Mac-Louis, que j’attends ici leur bon plaisir ; si mon oncle ambitionne la puissance de fermer au fils l’appartement du père, je lui procurerai la satisfaction de savoir que j’attends dans l’antichambre comme un laquais. — Avec votre permission, » dit Mac-Louis en hésitant, « si Votre Altesse consentait à se retirer pour le moment, et si