Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/266

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voulais que le prince lui-même fût, pour un peu de temps, éloigné de la cour. — Comment, Albany ! me séparer de mon enfant, de mon premier-né ! de lui, la lumière de mes yeux, et… malgré ses folies… le fils chéri de mon cœur… Oh, Robin ! je ne le puis, ni ne le veux. — Ce n’était, milord, qu’une proposition… Je sens la blessure qu’une telle résolution ferait au cœur d’un père, car ne suis-je pas père, moi aussi ? » et il inclina la tête comme dans un morne désespoir.

« Je n’y pourrai survivre, Albany. Quand je pense que notre influence, qui est nulle lorsqu’il est loin de nous, et qui suffit toujours pour le contenir lorsque nous sommes près de lui, se trouverait entièrement paralysée par votre projet ! À quel péril ne serait-il pas exposé ? Je ne pourrai goûter un moment de sommeil en son absence… Je croirai entendre son dernier soupir dans chaque souffle du vent ; et vous, Albany, peut-être dissimuleriez-vous mieux votre inquiétude, mais vous ne seriez pas plus tranquille. »

Ainsi parla le facile monarque : voulant plaire à son frère et s’abuser lui-même, il supposait, entre l’oncle et le neveu, une affection dont il n’existait pas la moindre trace.

« Votre cœur de père s’alarme trop aisément, milord, répondit Albany ; je ne vous propose pas de laisser le prince abandonné au mouvement de son fougueux caractère… je parlais de soumettre, pendant quelque temps, le prince à une surveillance convenable… de le confier à la garde d’un conseiller sage, qui répondrait de sa conduite et de sa vie comme un tuteur de celles de son pupille. — Comment ! un tuteur ! à l’âge de Rothsay ? s’écria le roi ; il a dépassé de deux années l’âge que nos lois fixent pour la majorité. — Les Romains, plus sages que nous, fixaient cet âge quatre ans plus tard ; et, à ne consulter que le bon sens, le droit de surveillance doit durer aussi long-temps qu’il est nécessaire, et par conséquent il doit varier selon le caractère des individus. Voici le jeune Lindsay, comte de Crawford, qui, dit-on, accorde son appui à sir Ramorny pour le combat… C’est un jeune homme de quinze ans, mais qui a déjà les passions ardentes et la constance d’un homme de trente ; tandis que mon royal neveu, avec de plus nobles et plus aimables qualités d’esprit et de cœur, montre souvent, à vingt-trois ans, l’humeur capricieuse d’un enfant, envers qui la contrainte peut n’être qu’une tendresse bien entendue… Ne vous désolez point de cela, mon noble seigneur ; ne