Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/243

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« Par la messe, mes amis, » dit enfin un hardi bourgeois à ses compagnons, « l’arrogant Smith se moque de nous ! entrons dans la maison et emportons-le par les pieds et par la tête. — Prenez garde à ce que vous ferez, » répondit un assaillant plus prudent ; « celui qui va troubler Henri Gow dans sa retraite peut entrer chez lui avec les os en bon état, mais il n’en sortira que pour donner de la besogne au chirurgien. Mais voici quelqu’un qui pourra se charger de notre message pour lui, et qui fera entrer la raison par les deux oreilles de ce traître. »

La personne dont on parlait n’était autre que Simon Glover lui-même ; il était arrivé à l’endroit fatal où était étendu le corps du malheureux bonnetier, au moment même où le bailli Craigdallie ayant donné l’ordre de découvrir le visage de l’homme assassiné, la foule reconnut, à son grand étonnement, que ce n’était point Henri du Wynd, le champion de la jolie ville, mais le pauvre Olivier Proudfute. Un sourire échappa d’abord à ceux qui se rappelaient combien Olivier s’était donné de mal pour se faire une réputation de brave, quoique son caractère et ses inclinations ne fussent point militaires. On remarquait qu’il avait rencontré un genre de mort plus conforme à ses prétentions qu’à son caractère. Mais cette tendance à une gaieté qui n’était pas de saison, et qu’on doit attribuer à la grossièreté des temps, fut réprimée tout à coup par la voix et les exclamations d’une femme qui se faisait passage à travers la foule, en s’écriant : « mon mari !… mon mari ! »

La foule fit place à cette malheureuse et à deux ou trois femmes de ses amies qui la suivaient. Madeleine Proudfute n’avait été remarquée jusque-là que comme une femme de bonne mine, aux cheveux noirs, un peu dédaigneuse à l’égard de ceux qu’elle regardait comme d’un rang ou d’une fortune inférieure à la sienne ; elle passait aussi pour gouverner son mari en souveraine absolue, et pour lui faire baisser la crête lorsqu’il chantait trop haut ; mais maintenant, inspirée par un sentiment énergique, elle prenait un caractère plus imposant.

« Riez-vous, dit-elle, indignes citoyens de Perth, parce que le sang d’un de vos concitoyens a été répandu dans le ruisseau ?… ou bien riez-vous parce que ce malheureux sort est tombé sur mon mari ?… Ne soutenait-il pas une honnête maison par son industrie ? Le malade n’était-il pas bien accueilli chez lui et le pauvre soulagé ? Ne prêtait-il pas à ceux qui avaient besoin