Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/233

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tres ; il faut que nous ayons nos magistrats à notre tête. Ils ont été bien légitimement choisis et élus dans notre Hôtel-de-Ville, tous gens de bien et de probité certaine. Nous ne voulons pas être appelés séditieux, ou vagabonds perturbateurs de la paix du roi. Retirez-vous, faites place, car voilà le bailli Craigdallie, et avec lui Simon Glover, à qui la ville a tant d’obligations : hélas ! hélas ! mes chers concitoyens ! hier au soir, sa fille avait un fiancé, et ce matin, la Jolie Fille de Perth est veuve avant d’avoir été mariée ! »

Ce nouveau sujet de sympathie excita encore davantage la colère et la douleur de la multitude ; en ce moment un grand nombre de femmes étaient mêlées à la foule, et elles répétaient le cri d’alarme poussé par les hommes.

« Oui, oui, la chasse de Saint-Johnston est commencée pour la Jolie Fille de Perth et le brave Henri Gow ! Allons, allons, ne vous épargnez pas pour votre brave coupeur de peaux. Aux écuries ! aux écuries ! « Quand il n’a plus son cheval, l’homme d’armes n’est bon à rien. » Taillez en pièces les yeomen et les palefreniers, blessez, estropiez tous les chevaux ; à mort les lâches écuyers et les pages ! Que ces orgueilleux chevaliers nous attaquent à pied, s’ils l’osent. — Ils n’oseront pas ! ils n’oseront pas ! répondirent les bourgeois ; leur force est dans leurs chevaux et dans leurs armures. Et pourtant, les orgueilleux et ingrats coquins, ils ont assassiné un homme dont le talent n’eut jamais d’égal, ni à Milan, ni à Venise. Aux armes ! braves bourgeois ! la chasse de Saint-Johnston est commencée ! »

Au milieu de ces clameurs, les magistrats et les habitants les plus considérables de la ville se firent ouvrir un passage non sans peine, afin d’examiner le cadavre ; ils avaient avec eux le clerc de la ville pour dresser un procès-verbal régulier de l’état où il avait été trouvé. La multitude se soumit à tous ces délais, avec une patience et un ordre qui faisaient bien paraître le caractère national d’un peuple dont le ressentiment fut toujours d’autant plus redoutable que, sans renoncer jamais à ses projets de vengeance, il se soumet patiemment à tous les retards nécessaires pour en assurer le succès. La multitude accueillit donc ses magistrats par de grands cris, qui exprimaient en même temps la soif de la vengeance et une déférence respectueuse pour les patrons par l’assistance desquels on espérait l’obtenir légalement et dans les formes régulières.