Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/21

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presque sans bornes. Il pouvait niveler le plus haut rang avec un rang extrêmement inférieur.

Ce fut sous le règne qui précéda celui de Robert III, que la beauté seule éleva jusqu’au trône d’Écosse une femme d’un rang inférieur et de mœurs assez légères ; et bien des Écossaises, moins habiles ou moins heureuses, parvinrent à de brillantes positions, du sein d’un concubinage qu’on excusait alors assez facilement. De tels exemples auraient pu éblouir une fille de plus haute naissance que Catherine ou Kate Glover, qui était universellement reconnue pour être la plus belle fille de la ville ou du voisinage, et à qui la réputation de Jolie Fille de Perth avait valu les assiduités des jeunes galants de la cour, quand le roi résidait à Perth ou aux environs. Maint gentilhomme de haut lignage, maint guerrier illustre par des exploits de chevalerie, se montrait plus jaloux de faire briller son talent en équitation devant la porte de Simon Glover dans ce qu’on appelait Couvre-few, ou Curfew-Street, que de se distinguer dans les tournois, où les plus nobles dames d’Écosse étaient les spectatrices de leur adresse.

Mais la fille du gantier[1] (car, comme c’était l’usage des bourgeois et des artisans à cette époque, son père Simon tirait son surnom du métier qu’il faisait) ; la fille du gantier, disons-nous, ne montrait aucune disposition à écouter les galanteries de gens d’une condition infiniment supérieure à la sienne ; et quoique, probablement, elle ne méconnût point ses charmes personnels, elle semblait désireuse de borner ses conquêtes au cercle étroit où sa naissance l’avait placée. De fait, sa beauté, du genre de celles qui semblent tenir plutôt du moral que du physique, malgré la douceur et l’amabilité naturelles de son caractère, exprimait plus de réserve que de gaieté, lors même qu’elle se trouvait dans la compagnie de ses égaux. L’ardeur avec laquelle elle assistait aux exercices de dévotion donnait communément à penser que Catherine Glover nourrissait le désir secret de se retirer du monde et de s’ensevelir dans les profondeurs du cloître. Mais à un tel sacrifice, en supposant que la jeune fille le méditât, on ne devait pas s’attendre que son père, réputé riche et n’ayant qu’elle d’enfant, donnât jamais son consentement volontaire.

La beauté régnante de Perth était affermie par son père dans la résolution de rejeter les hommages des galants courtisans.

  1. Glover signifie gantier. a. m.