Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/208

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payer tribut. Ne sais-tu pas que tu as encouru la peine de haute trahison ? — Ce serait une grande cruauté, dit le pauvre Olivier, puisque j’ignorais que Sa Grâce régnât ce soir. Mais je suis tout disposé à racheter cette forfaiture, si la bourse d’un pauvre bonnetier est assez riche, par une amende de quatre litres de vin, ou quelque autre bonne chose. — Menez-le devant l’empereur ! » fut le cri universel, et le danseur mauresque fut conduit devant un jeune homme frêle, mais gracieux et beau, splendidement habillé, portant une ceinture et une tiare en plumes de paon, alors apportées d’Orient comme une merveilleuse rareté ; une jaquette courte et un gilet en peau de léopard lui couvraient élégamment le reste du corps, qui était couvert en dessus d’un vêtement de soie couleur de chair, de manière à réaliser l’idée qu’on se forme d’un prince indien. Il portait des sandales attachées avec des rubans de soie écarlate, et tenait à la main une espèce d’éventail, comme les dames en portaient alors, formé de mêmes plumes disposées en huppe.

« Quel individu tenez-vous là ? dit le chef indien. Qui ose attacher les grelots d’un maure aux talons d’un âne stupide ?… Écoutez, l’ami, votre costume vous fait un de nos sujets, puisque notre empire s’étend sur toute la joyeuse terre, et particulièrement sur les mines et les ménestrels de tout genre… Quoi ! la langue bée au palais ?… Il veut du vin, servez-lui notre coquille de noix pleine de vin sec. »

Une vaste calebasse pleine de vin fut offerte aux lèvres du suppliant, tandis que le roi de la bande joyeuse l’exhortait à l’avaler.

« Casse-moi cette noisette, et fais-le gentiment, sans grimace surtout. »

Mais Olivier, quoiqu’il eût volontiers bu un coup modéré de ce bon vin, était épouvanté de la quantité qu’il lui fallait expédier. Il but une gorgée, et puis demanda merci.

« S’il plaît à Votre Majesté, j’ai encore loin à aller, et si j’avalais tout entier le cadeau que Votre Grâce veut que j’accepte, et dont je la remercie, il me serait impossible de me traîner jusqu’au premier chenil. — Es-tu au moins dans le cas d’agir en gaillard ? Voyons, saute-moi une cabriole… Ah ! une… deux… trois… admirable !… Encore… Donnez-lui de l’éperon… (ici un satellite de l’Indien piqua Olivier avec son épée). Ah ! c’est la meilleure de toutes ; il saute comme un chat dans une gouttière !…