Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et écouté les chansons grivoises des ménestrels ; les bourgeois s’étaient gorgés de crêpes frites à la graisse, ou de pain trempé dans le bouillon d’un potage gras, fait avec du bœuf salé et saupoudré de farine d’avoine grillée ; ragoût qui, même aujourd’hui, flatte encore le palais peu difficile des Écossais du vieux temps. Tels étaient les exercices et les régals de la fête. C’était aussi une chose reçue que, dans la soirée, le catholique dévot devait boire autant de bon vin et de bonne ale qu’il avait le moyen de s’en procurer, et s’il était jeune et agile, qu’il dansât au son des grelots, ou figurât parmi les danseurs mauresques, qui portaient un accoutrement d’une excessive bizarrerie, et se distinguaient par leur adresse et leur activité. Toute cette gaieté, on s’y livrait sous le prudent motif que la longue période du carême, qui s’approchait avec ses jeûnes et ses privations, rendait sage que les hommes prissent autant de plaisirs et de jouissances qu’il était possible, durant le court espace de temps qui les séparait du jour des Cendres.

À ces réjouissances annuelles avait succédé dans presque toute la ville le repos accoutumé. La noblesse avait pris un soin particulier pour éviter toute nouvelle dispute entre leurs gens et les citoyens de la ville, de sorte que les fêtes s’étaient passées sans plus de malheurs que de coutume, c’est-à-dire trois morts et un certain nombre de membres brisés, accidents qui arrivèrent à des individus si peu marquants qu’on ne crut pas devoir prendre la peine d’en rechercher les auteurs. Le carnaval se terminait paisiblement en général, mais, en quelques endroits, les amusements continuaient encore.

Une compagnie de masques, qui avaient été particulièrement remarqués et applaudis, semblaient peu disposés à finir leurs folies. Le cortège se composait de treize personnes, habillées de la même manière, portant des pourpoints en peau de chamois, artistement tailladés et chargés de broderies, qui dessinaient parfaitement leurs formes. Ils avaient des bonnets verts avec des bordures d’argent, des rubans rouges et des souliers blancs… des grelots aux genoux et aux pieds, et des épées nues à la main. Cette élégante mascarade, après avoir exécuté une danse à l’épée devant le roi, avec force cliquetis d’armes et postures bizarres, alla galamment répéter ses pas à la porte de Simon Glover, et là, après avoir donné une brillante preuve de leur savoir-faire, ils firent apporter du vin pour eux et pour les spectateurs ; puis, avec une