Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/168

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nière de vider le différend ; et ils seront plus empressés de se mettre l’un et l’autre en pièces, que nous ne pourrons l’être à les y exciter. Et maintenant que nos délibérations sont finies, en tant que mon avis a pu servir, je me retirerai. — Restez encore un moment, dit le prieur ; car j’ai un grief à exposer d’une nature si noire et si horrible, que le cœur pieux de Votre Grâce aura peine à croire à sa réalité ; et je vous en informe avec douleur, parce que, aussi certainement que je suis un serviteur indigne de saint Dominique, il est la cause de la céleste colère contre ce pauvre pays, par laquelle nos victoires sont changées en défaites, nos joies en chagrin, nos conseils déchirés par la désunion, et notre pays dévoré par la guerre civile. — Parlez, révérend prieur, dit le roi ; assurément si la cause de ces malheurs réside en moi ou en ma maison, je prendrai soin de la faire disparaître. »

Il prononça ces mots d’une voix mal assurée, et attendit avec avidité la réponse du prieur, craignant sans doute qu’elle n’impliquât Rothsay dans une nouvelle accusation. Ses appréhensions le trompèrent peut-être quand il crut voir le religieux contempler un moment le prince avant de s’écrier d’un ton solennel : « L’hérésie, mon noble et gracieux souverain, l’hérésie est parmi nous ; elle attire toutes les âmes de la congrégation, les unes après les autres, comme des loups arrachent les agneaux de la bergerie. — « Il y a assez de bergers pour garder le bercail, répliqua le duc de Rothsay. Voici quatre couvents de moines réguliers seulement autour de ce pauvre bourg de Perth, et tout le clergé séculier en outre ; il me semble que, dans une ville où la garnison est si forte, l’ennemi ne peut pénétrer. — Un seul traître dans la garnison, milord, répliqua le prieur, peut détruire la sécurité d’une ville gardée par des légions ; et si ce traître est, soit par légèreté, soit par amour du changement, soit par tout autre motif, protégé et nourri par ceux qui devraient mettre le plus d’empressement à le chasser de la forteresse, il aura d’innombrables occasions pour mal faire. — Vos paroles semblent attaquer quelqu’un ici présent, père prieur, dit Douglas ; si c’est moi, elles me font gratuitement injure. Je n’ignore pas que l’abbé d’Aberbrothock a fait quelques plaintes hors de propos, parce que je ne laissais point ses bœufs devenir trop nombreux dans ses pâturages, ou ses récoltes de grains rompre les greniers du monastère quand mes gens avaient besoin de bœuf, et leurs chevaux d’avoine. Mais songez-y, les pâturages et les champs qui lui procu-