Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/165

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n’est pas arrivé depuis le temps du roi Arthur. — Honte à vous, David ! dit le roi ; pouvez-vous faire de la détresse de votre pays natal, et de la perplexité de nos conseils, un sujet de bouffonnerie ? — Si vous voulez bien me le permettre, mon royal frère, dit Albany, je pense que, bien que le prince mon neveu ait lancé cette idée en l’air, on pourrait en tirer de quoi remédier à ce pressant péril. — Mon bon frère, reprit le roi, c’est mal à vous de favoriser la folie de Rothsay, en continuant une plaisanterie qui vient si peu à propos. Nous savons que les clans des montagnards ne connaissent ni nos coutumes de chevalerie, ni le mode de combat qu’elles requièrent. — Votre Grâce dit vrai, répondit Albany ; cependant je ne raille point, et je parle fort sérieusement. Il est très-vrai que les montagnards ne connaissent point notre façon de combattre en champ clos, mais leurs manières sont aussi efficaces pour donner la mort ; et quand le jeu mortel est joué, quand l’enjeu est gagné ou perdu, qu’importe que ces Gaëls aient combattu avec la lance et l’épée, comme il convient à de vrais chevaliers, ou avec des sacs de sable, comme les ignobles paysans d’Angleterre, ou enfin qu’ils se soient écorchés l’un l’autre avec des couteaux ou des stylets, d’après leur barbare coutume ? Leur habitude, comme la nôtre, est de remettre tout droit disputé, toute contestation, à la décision des armes. Ils sont aussi vains qu’ils sont fiers ; et l’idée que les deux clans pourront combattre en votre présence et devant votre cour, les disposera facilement à remettre leurs différents au destin d’un combat, quand même ce rude arbitrage serait moins familier à leurs usages et quand on fixerait le nombre des combattants selon ce qui paraîtrait convenable. Il nous faut aviser à ce qu’ils n’approchent de la cour que de façon à ne point nous surprendre ; et ce point réglé, plus on admettra de combattants de part et d’autre, plus il y aura de désastre parmi les plus braves et les plus séditieux de leurs hommes, plus la chance sera grande que les hautes terres resteront quelque temps paisibles. — Ce serait une politique sanguinaire, mon frère, dit le roi ; et je le répète, je ne puis forcer ma conscience à contempler le meurtre de ces hommes grossiers, qui ont tant de ressemblance avec autant de païens égarés. — Et leur vie est-elle plus précieuse que celles des nobles et des seigneurs qui, avec la permission de Votre Grâce, descendent si souvent en champ clos, soit pour terminer des querelles suivant la loi, ou simplement pour acquérir de l’honneur ? »