Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/160

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Dunbar voit le mal sans pouvoir y remédier… Adieu à tous… »

Le roi voulut parler, mais les mots moururent sur ses lèvres, lorsqu’Albany lui lança un regard qui l’invitait à se taire. Le comte de March sortit de la salle en recevant les muettes salutations des membres du conseil auxquels il s’était adressé, à l’exception de Douglas, seul, qui répondit à ses adieux par un regard de provocation dédaigneuse.

« Le traître va nous livrer à l’Angleterre, dit-il ; son orgueil se fonde sur ce qu’il possède cette forteresse minée par la mer, qui peut donner entrée aux Anglais dans le Lothian… Ne vous alarmez point, Sire, je réponds de ce que je dis… Néanmoins, il est encore temps, prononcez seulement un mot, mon souverain, dites seulement « qu’on l’arrête, » et le comte de March ne traverse point l’Éarn pour achever son voyage déloyal. — Mon, vaillant comte, » dit Albany, qui souhaitait que les deux puissants seigneurs se continssent l’un par l’autre, plutôt que de donner à l’un des deux une supériorité décisive, « c’est un conseil trop peu réfléchi. Le comte de March est venu ici sous un sauf-conduit du roi, et on ne peut le violer sans attaquer l’honneur de mon royal frère. Pourtant, si Votre Seigneurie pouvait alléguer quelque preuve détaillée… »

Ici on entendit une fanfare de trompettes.

« Sa Grâce d’Albany est extraordinairement scrupuleuse aujourd’hui, répliqua Douglas ; mais que sert de perdre le temps eu paroles ?… le moment est passé… Voici les trompettes de March, et je réponds qu’il galopera aussi vite que vole une flèche, jusqu’à ce qu’il ait passé la porte du Sud. Nous entendrons parler de lui à temps ; et, si je ne me trompe pas dans mes conjectures, il viendra avec toute l’Angleterre derrière lui pour appuyer sa trahison. — Espérons mieux du noble comte de March, » dit le roi, qui n’était nullement fâché que la dispute entre March et Douglas eût fait disparaître pour le moment les traces de la querelle entre Rothsay et son beau-père ; « il est d’un naturel fier, mais généreux… Sous certains rapports il a été… je ne dirai pas lésé… mais désappointé… et il faut quelque peu excuser le ressentiment d’un noble seigneur armé d’un grand pouvoir. Mais, Dieu merci, nous voilà tous ici de même opinion et de même famille : aussi, du moins, nos délibérations ne peuvent plus être troublées par la désunion… Père prieur, je vous prie de prendre plume et papier, car vous allez être, comme de coutume, le clerc