Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/154

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homme pour une jeune fiancée… VOUS devriez être guidé par la retenue et la discrétion, et point par la débauche et le libertinage. — Je vous dis encore que cette pauvre créature ne m’est rien. Je souhaite seulement qu’elle soit mise en sûreté ; et je pense que le plus hardi habitant des frontières qui soit aujourd’hui dans Perth respectera mes verrous autant que la porte du château de Carlisle… Je me rends chez Simon Glover… je peux y passer toute la nuit ; car le sauvage montagnard s’est enfui dans les montagnes, comme un chien-loup qu’il est : ainsi il y a un lit de vide, et père Simon sera charmé que j’en use. Vous resterez avec cette pauvre créature, vous lui donnerez à manger, vous la protégerez durant la nuit, et je l’appellerai avant le jour ; vous pourrez la suivre jusqu’au bateau, si vous voulez, et vous la verrez pour la dernière fois en même temps que moi. — Voilà qui est assez raisonnable, dit dame Shoolbred. Et cependant pourquoi mettre votre réputation en péril à propos d’une créature qui trouverait à se loger pour deux sous d’argent et moins encore ? C’est un mystère pour moi. — Remettez-vous-en à moi, vieille, et soyez bonne envers cette fille. — Meilleure qu’elle ne le mérite, je vous en réponds ; et vraiment, quoique j’aime peu la compagnie de pareil bétail, je pense pourtant qu’elle me donnera moins de mal qu’à vous… À moins qu’elle ne soit sorcière, ma foi, ce qui pourrait bien être, attendu que le diable a un souverain pouvoir sur cette tribu errante. — Elle n’est pas plus sorcière que je ne suis sorcier, moi, dit l’honnête Smith ; une pauvre fillette désespérée, qui, si elle a fait mal, a plutôt cédé à l’influence de quelque sortilège. Traitez-la bien… Et quant à vous, jeune fille… je vous appellerai demain matin pour vous mener au bord de la rivière. Cette vieille femme aura toute sorte d’égards pour vous, si vous ne dites rien qui puisse blesser des oreilles honnêtes. »

La pauvre chanteuse avait entendu ce dialogue sans en comprendre plus que le sens général ; car quoiqu’elle parlât bien l’anglais, elle l’avait appris en Angleterre même, et le dialecte du nord était alors, comme maintenant, d’un caractère plus grossier et plus dur. Elle vit pourtant qu’elle devait rester avec la vieille dame, et croisant avec humilité ses bras sur son sein, baissa tristement la tête. Elle regarda ensuite Henri avec une vive expression de reconnaissance ; puis, levant les yeux au ciel, prit sa main qu’il abandonna, et parut prête à baiser ses doigts nerveux en signe d’une profonde gratitude. Mais Shoolbred ne