Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/153

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gleurs et des chanteuses, et je ne suis pas assez embarrassée pour trouver un logement, pour souffrir que le même toit me couvre, moi, et une princesse danseuse comme celle-ci. »

En disant ces mots, la gouvernante rebelle se mit au plus vite à ajuster sa mante de tartan pour partir, en fermant le capuchon de manière à cacher son bonnet de toile blanche, dont les bords environnaient sa figure ridée, mais fraîche encore et florissante de santé. Cela fait, elle saisit un bâton, compagnon fidèle de ses petits voyages, et s’avançait d’un pas ferme vers la porte, quand Henri s’interposa entre elle et le passage.

« Attendez au moins, vieille femme, que nous fassions nos comptes. Je vous dois des gages et gratifications. — C’est encore là un rêve de votre tête de fou. Quels gages ou gratifications puis-je accepter du fils de votre mère qui m’a nourrie, vêtue, choyée, comme si j’eusse été une sœur ? — Et vous l’en payez bien, nourrice, en abandonnant son fils unique quand il a tant besoin de vous. »

Ces mots semblèrent faire quelque impression sur la vieille femme entêtée. Elle s’arrêta et regarda alternativement son maître, puis la chanteuse ; puis elle branla la tête, et se dirigea de nouveau vers la porte.

« Je reçois cette pauvre vagabonde sous mon toit, seulement afin de la sauver de la prison et du fouet, » dit Smith d’un ton suppliant.

« Et pourquoi voulez-vous la sauver ? » dit l’inexorable dame Shoolbred. « J’ose dire qu’elle a mérité l’un et l’autre aussi bien que jamais bandit mérita une cravate de chanvre. — Je ne sais si elle le mérite ou non ; mais je ne devais point la laisser fouetter jusqu’à la mort, ou mettre en prison pour y mourir de faim ; et c’est le sort de tous ceux à qui Douglas le Noir garde rancune ! — Et allez-vous irriter Douglas le Noir pour les beaux yeux d’une chanteuse ? Ce sera la pire des querelles que vous ayez encore eues… Oh ! Henri Gow ! il y a autant de fer dans votre tête que dans votre enclume. — Je l’ai parfois cru moi-même, mistress Shoolbred ; mais si j’attrape une coupure ou deux dans cette nouvelle affaire, je cherche qui la soignera si vous me fuyez comme une oie sauvage effrayée ? Oui, et, en outre, qui aurai-je pour recevoir ma gentille fiancée que j’espère amener au Wynd un de ces jours ? — Henri, Henri ! » dit la vieille branlant la tête, « ce n’est pas la manière de préparer la maison d’un honnête