Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/151

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« Voilà une autre pie babillarde à qui j’aurai affaire, pensa le forgeron ; mais j’ai un bâillon à lui mettre, les ménestrels content un fabliau d’un geai qui se pare de plumes empruntées… ma foi, Olivier ressemble fort à ce geai-là, et par saint Dunstan ! s’il laisse sa langue bavarde caqueter à mes dépens, je le dépouillerai comme jamais épervier ne pluma une perdrix, et il le sait bien. »

Tandis que ces réflexions occupaient son esprit, il approchait du terme de sa route, et la chanteuse tenait toujours son manteau, épuisée en partie par la crainte, en partie par la fatigue ; il arriva enfin au milieu du Wynd qui était honoré de sa maison, et d’où il tirait un de ses surnoms. Là, les jours ouvrables, on voyait briller son fourneau et quatre malheureux demi-nus assourdissaient le voisinage du vacarme de leurs marteaux tombant sur les enclumes. Mais la fête de Saint-Valentin était un jour de repos pour ces hommes d’acier, la boutique était fermée et les ouvriers partis, afin de se livrer pour leur compte à la dévotion ou au plaisir. La maison attenante à la forge appartenait à Henri, et quoiqu’elle fût petite et située dans une rue étroite, comme il y avait par derrière un vaste jardin avec des arbres fruitiers, c’était au total une agréable habitation. Le forgeron, au lieu de frapper ou d’appeler, ce qui eût attiré les voisins aux fenêtres et aux portes, tira de sa poche un passe-partout de sa propre fabrication, objet de curiosité pour l’époque ; et ouvrant la porte, il introduisit la compagnie dans sa demeure.

L’appartement qui reçut Henri et la chanteuse était la cuisine où les gens de la classe de Smith dînaient avec toute leur famille, quoiqu’un ou deux personnages comme Simon Glover eussent une salle pour manger différente de celle où on préparait les repas. Dans un coin de cet appartement, qui était tenu avec une propreté extraordinaire, était assise une vieille femme dont les vêtements éclatants de blancheur, et le plaid écarlate soigneusement posé sur sa tête de façon à descendre sur ses épaules des deux côtés, pouvaient indiquer un rang plus élevé que celui de Luckie Shoolbred, la ménagère du forgeron ; néanmoins telles étaient ses fonctions. N’ayant pas entendu la messe ce matin-là elle se reposait tranquillement au coin du feu ; son chapelet à moitié dit pendait à son bras gauche : des prières à moitié récitées restaient sur ses lèvres ; ses yeux à moitié fermés s’abandonnaient au sommeil tandis qu’elle attendait le retour de son nourrisson, sans pouvoir conjecturer à quelle heure