Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/150

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vient là, maintenant, par saint Dunstan ! Ce babillard, ce fanfaron, ce lâche drôle d’Olivier Proudfute. »

Ce fut en effet le bonnetier qu’il rencontra ensuite, et qui, son bonnet sur l’oreille et fredonnant la chansonnette de :

Vous aimez trop le cabaret,
Thomas, vous n’êtes pas discret,


laissait voir clairement qu’il n’avait pas dîné sans boire. — Ha ! mon brave Smith, dit-il, ne te prends-je pas en flagrant délit ?… Quoi ! le pur acier peut-il ployer ?… Vulcain peut-il, comme dit le ménestrel, payer Vénus de sa propre monnaie !… Vrai ! tu seras un gai Valentin pendant l’année, si tu commences aussi joliment dès le premier jour. — Écoutez, Olivier, » dit le forgeron mécontent, « fermez les yeux et passez outre, mon vieil ami ; et encore un mot. Ne jouez pas de la langue touchant ce qui ne vous regarde pas, si vous tenez à conserver vos mâchoires entières. — Moi, trahir une confidence !… moi, tenir des propos, et cela contre mon frère d’armes !… C’est indigne de moi… Je ne voudrais pas même le rapporter à mon soudan de bois !… Sur ma foi, je puis être dans mon coin un aussi rude gaillard que toi, homme… Et maintenant que j’y songe, j’irai avec toi quelque part, et nous ferons un réveillon ensemble, et ta Dalila nous honorera d’une chanson ; hein ! n’est-ce pas bien dit ? — Admirablement, » dit Henri qui brûlait d’envie d’étendre son frère d’armes sur le pavé ; mais, adoptant sagement une plus paisible manière d’échapper à l’importunité de sa présence ; « c’est admirablement pensé ! Je puis d’ailleurs avoir besoin de ton secours… car il y a cinq ou six Douglas devant nous ;… ils ne manqueront pas d’essayer d’enlever cette fillette à un pauvre bourgeois comme moi. Je me trouverai fort heureux de l’assistance d’un spadassin tel que toi. — Je vous remercie… je vous remercie, répliqua le bonnetier ; mais ne vaudrait-il pas mieux que je courusse faire sonner la cloche de ville, et chercher mon grand sabre. — Oui, oui… courez chez vous le plus vite possible, et ne dites rien de ce que vous avez vu. — Qui ? moi !… oh ! ne craignez rien. Je méprise les médisants. — Courez donc ! j’entends le cliquetis des armes. »

Ce mensonge mit le feu aux talons du bonnetier qui, tournant le dos au péril supposé, partit d’un pas tel que le forgeron ne douta point qu’il ne fût bientôt rendu chez lui.