Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/149

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la figure cachée dans son manteau, comme pour ne pas être reconnu ; mais le corps maigre et chétif, les jambes de fuseaux qu’on voyait sous le manteau, et les petits yeux noirs qui clignotaient au-dessus des plis supérieurs, annonçaient l’apothicaire aussi exactement que s’il eut porté son nom à son bonnet. Sa présence inattendue et inopportune jeta l’armurier dans la confusion. Une prompte fuite ne convenait point à son caractère franc et hardi, et sachant parfaitement que son homme était un observateur curieux, une mauvaise langue, et qu’il n’était nullement bien disposé particulièrement à son égard, la meilleure espérance qui lui vint à l’esprit fut que l’honorable apothicaire lui donnerait un prétexte pour lui tordre le cou et s’assurer de sa discrétion.

Mais loin de dire ou de faire rien qui put justifier de telles extrémités, l’apothicaire, se voyant si près de son vigoureux concitoyen que la reconnaissance était inévitable, sembla déterminé à ce que l’entrevue fût aussi courte que possible, et à ne paraître rien remarquer de particulier dans les circonstances où ils se rencontraient. Dwining laissa seulement échapper ces mots en passant devant Henri Smith, sans même lancer un coup d’œil à la chanteuse après le premier instant de leur rencontre : « Encore un joyeux jour de fête pour vous, vaillant Smith. Vous voici donc avec votre cousine, la jolie mistress Jeanne Lebham, et portant son bagage ; elle arrive de Dundee, des bords de la rivière, je le parie. J’avais ouï dire qu’on l’attendait chez le vieux cordonnier. »

En parlant ainsi, il ne regarda ni à droite ni à gauche ; et échangeant un « Portez-vous bien. » contre un salut de même genre, que le forgeron balbutia plutôt qu’il ne le prononça, il disparut comme une ombre.

« Le malin esprit m’attrape, si je puis avaler cette pilule, quelque bien dorée qu’elle soit, se dit Henri Smith. Le drôle a l’œil perçant quand il s’agit de femmes, et distingue un canard sauvage d’un canard apprivoisé, aussi bien qu’aucun homme de Perth… Il serait le dernier de la jolie ville à prendre des raisins secs pour des poires, et à prendre pour ma grosse cousine Jeanne cette personne fantastique. Il me semble que son air voulait dire : « Je ne verrai pas ce que vous pouvez vouloir me cacher. Il a eu raison, car il aurait pu gagner quelques rudes horions à se mêler de mes affaires… Ainsi, il se taira dans son intérêt. Mais, qui