Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la pauvre musicienne un asile dans sa propre maison. Il faut ajouter qu’il s’y détermina avec une extrême répugnance et dans une espèce d’enthousiasme de bienveillance.

Avant que notre vigoureux fils de Vulcain eût adressé ses vœux à la Jolie Fille de Perth, une certaine fougue de caractère l’avait placé sous l’influence de Vénus, aussi bien que sous celle de Mars ; ce fut seulement l’effet d’un à attachement sincère qui l’arracha entièrement à des plaisirs licencieux. Il était donc justement jaloux de conserver la réputation de constance qu’il avait acquise depuis si peu de temps, et que sa conduite à l’égard de la pauvre chanteuse pouvait compromettre. Il était peut-être un peu effrayé de s’être exposé de gaieté de cœur à la tentation, et d’une autre part il éprouvait un véritable chagrin d’avoir perdu ce jour de la Saint-Valentin, que la coutume enjoignait de passer auprès de la compagne de l’année. Le voyage à Kinfauns et les divers événements qui avaient suivi sa rencontre avec le duc de Rothsay avaient employé tout le jour, et il était bientôt l’heure de vêpres.

Comme pour regagner par la vitesse de sa marche le temps qu’il avait été contraint de perdre pour un objet si étranger à ce qu’il avait tant à cœur, il traversa les jardins des dominicains, entra dans la ville, et, montant son manteau pour cacher le bas de sa figure, enfonçant son bonnet pour en couvrir le haut, il parcourut les passages et les rues avec la même rapidité, espérant gagner sa maison dans le Wynd sans être observé. Quand il eut ainsi couru pendant dix minutes, il commença à penser qu’il allait peut-être trop vite pour que la jeune fille pût le suivre. Il se retourna donc avec une sorte d’impatience et de colère, qui se changea bientôt en compassion, lorsqu’il la vit épuisée des efforts qu’il lui avait fallu faire.

« Je mériterais d’être pendu comme une brute ! » se dit Henri en lui-même ; « eussé-je cent raisons pour courir, mes raisons donneraient-elles des ailes à cette pauvre créature ; et lorsqu’elle est chargée de bagages, encore ! Je suis une bête mal élevée, cela est certain, dès qu’il s’agit de femmes ; et je suis toujours sûr de faire mal quand j’ai la meilleure volonté de bien faire. Écoutez, jeune fille ; laissez-moi porter tout cela, nous irons plus vite. »

La pauvre Louise aurait voulu faire une objection ; mais elle avait tellement perdu haleine qu’elle ne put parler ; et elle laissa son excellent guide lui prendre son petit coffret ; l’épagneul