Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/146

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la chanteuse, je n’ai qu’à me coucher à terre et à mourir. — Ne dites donc pas cela ; si je pouvais seulement vous procurer un logement pour cette nuit, je vous conduirais demain matin aux escaliers de Notre-Dame, d’où les bateaux descendent la rivière pour se rendre à Dundee, et je vous embarquerais avec quelqu’un allant au même endroit, qui aviserait à vous loger dans un lieu sur où vous seriez bien nourrie et bien traitée. — Homme bon, excellent, généreux ! s’écria la chanteuse ; faites cela, et si les prières et les vœux d’une pauvre infortunée peuvent jamais atteindre le ciel, ils y monteront en votre faveur. Nous nous retrouverons à cette poterne à quelque heure que partent les bateaux. — C’est à six heures du matin, quand le jour commence. — Retournez donc près de votre Valentine… Et si elle vous aime, oh ! ne la trompez pas ! — Hélas, pauvre demoiselle ! je crains bien qu’une tromperie d’amour ne vous ait réduite à embrasser ce malheureux état ; mais je ne dois point vous abandonner ainsi. Je veux savoir d’abord où vous passerez la nuit. — Ne vous inquiétez pas, répondit Louise… Le ciel est pur… Il va assez de buissons et de bosquets sur le bord de la rivière ; Charlot et moi pourrons bien faire notre chambre à coucher d’un arbre vert pour une nuit ; et demain, avec le secours que vous me promettez, j’échapperai à toute injure, à tout mal. Oh ! la nuit passe vite quand on espère pour le lendemain !… Eh bien ! vous ne bougez quand votre Valentine vous attend ? Je vous tiendrai pour un amant déloyal, prenez-y garde ; et vous devez savoir de quelle importance est l’opinion d’un ménestrel. — Je ne puis vous quitter, jeune fille, » répondit l’armurier fort adouci. « Ce serait un vrai meurtre de souffrir que vous passassiez la nuit exposée à la froidure d’une nuit d’Écosse en février. Non, non… ce serait mal tenir ma parole ; et si je cours quelque risque d’être blâmé, ce n’est qu’une juste punition pour vous avoir traitée plutôt d’après mes préjugés, je le reconnais bien maintenant, que comme vous le méritez. Suivez-moi, jeune fille… Vous aurez un asile sûr et honnête pour la nuit, quelles qu’en puissent être les suites. Ce serait faire un trop mauvais compliment à ma Catherine que de laisser une pauvre créature mourir de faim pour jouir de sa compagnie une heure plus tôt. »

En parlant ainsi et s’endurcissant contre toute appréhension des fâcheuses conséquences d’une telle mesure, le généreux Smith se détermina à braver tous les mauvais bruits et à donner