Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/142

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passer semblait avoir disparu aussi, tant elle était habilement cachée sous un arc-boutant mobile, et au milieu des ornements nombreux de l’architecture gothique. « Voici une femme qui sort par cette poterne secrète, oui vraiment ! fasse le ciel que les bons pères n’en fassent jamais entrer par là ! » se dit Henri à lui-même. « L’endroit convient à merveille pour de telles parties de cache-cache. Mais benedicite ! qu’allons-nous faire maintenant ? Il faut que je me débarrasse de cette fillette le plus tôt possible, et que je la mette en lieu sûr ; car, qu’elle soit au fond ce qu’elle veut, elle a l’air trop modeste depuis qu’elle est décemment vêtue, pour mériter les mauvais traitements que les sauvages Écossais de Galloway, ou la légion du diable venant de Liddell, lui feraient certainement souffrir. »

Louise s’arrêta en attendant que son guide indiquât la route qu’elle devait suivre. Son petit chien, réjoui d’avoir quitté les voûtes souterraines, faisait mille cabrioles au milieu des allées, et sautait après sa maîtresse, et même, quoique plus timidement, il courait autour du forgeron pour lui témoigner sa reconnaissance et se concilier sa faveur.

« À bas, Charlot, à bas ! dit la chanteuse ; vous êtes joyeux de revoir la lumière du jour ; mais où reposerons-nous cette nuit, mon pauvre Charlot ? — Et maintenant, jeune fille, » dit l’armurier, non pas brutalement, car ce n’était pas dans son caractère, mais brusquement, et comme un homme qui désire terminer promptement une occupation désagréable, « par où voulez-vous aller ? »

Louise regarda la terre et se tut. Henri lui demanda de nouveau dans quelle direction elle désirait être conduite ; elle baissa les yeux, et dit qu’elle ne savait pas.

« Allons, allons, dit Henri, je comprends tout ce manège ; j’ai été un gaillard… un farceur dans mon temps… mais il vaut mieux parler franchement. Dans les circonstances où je me trouve, je suis un homme changé pour long-temps ; il faut donc nous quitter plus tôt peut-être qu’une joyeuse fille comme vous n’aurait voulu quitter un jeune et joyeux garçon. »

Louise pleura en silence, les yeux toujours fixés sur la terre, comme si elle recevait un affront dont elle n’avait pas droit de se plaindre. Enfin, s’apercevant que son guide s’impatientait, elle balbutia : « Noble sire… — Sire se dit à un chevalier, répliqua l’impatient bourgeois, et noble à un baron ; je suis Henri du Wynd,