Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un palais si plein de souvenirs ? Que sais-je ? la porte de fer qui ferme l’escalier de la poterne pourrait s’ouvrir à l’heure terrible de minuit, et comme au jour de la conspiration s’élanceraient les fantômes assassins, d’un pas furtif, et avec d’effroyables regards pour représenter leur drame tragique. Voici le fanatique Ruthven… La haine de parti lui donne la force de porter une armure qui devrait accabler un corps exténué par une longue maladie. Voyez sous l’ombre de sa visière, comme ses traits contractés ressemblent à ceux d’un cadavre habillé par le démon, comme l’ardeur de la vengeance brille dans ses yeux étincelants, tandis que sa figure a l’immobilité de la mort. Voici la grande taille du jeune Darnley, aussi beau dans sa personne que faible dans sa résolution ; il s’avance d’un pas chancelant et avec des projets plus chancelants encore : ses jeunes frayeurs triomphent déjà de sa jeune passion. Il est comme un enfant espiègle qui vient d’allumer une mine, et qui maintenant, attendant l’explosion avec remords et terreur, donnerait sa vie pour éteindre la mèche à laquelle il a mis le feu. Ensuite… ensuite… Mais j’ai oublié le reste des dignes coupes-jarrets, aidez-moi si vous pouvez. — Faites apparaître, repris-je, le Postulant George Douglas, le plus actif de la bande. Qu’il se lève à votre voix… Ce prétendant à une fortune qu’il ne possède pas… Celui qui participe de l’illustre sang de Douglas, mais dans les veines de qui ce sang est souillé d’illégitimité. Peignez-le impitoyable, entreprenant, ambitieux… si près de la grandeur, et repoussé sans cesse… si près de la richesse, et ne pouvant y mettre la main… Tantale politique, prêt à faire et à oser tout pour mettre fin à ses angoisses et assurer ses prétentions incertaines. — Admirable, mon cher Croftangry ! Mais qu’est-ce qu’un Postulant ? — Oh ! ma chère dame, vous troublez le cours de mes idées… Postulant est une expression écossaise qui signifie le candidat à quelque bénéfice. George Douglas qui poignarda Rizzio était postulant des possessions temporelles de la riche abbaye d’Arbroath. — Je comprends ; allons, continuez ; qui vient ensuite ? — Qui vient ensuite ? Cet homme grand, maigre, au visage féroce, qui tient un pétrinal dans sa main, doit être André Ker de Faldonside, fils d’un frère, je crois, du célèbre sir David Ker de Cessford ; à son air et à sa démarche on dirait un maraudeur de la frontière ; telle était sa férocité que, pendant le tumulte dans le cabinet, il dirigea son arme chargée vers le sein de la belle et jeune reine, et d’une reine en-