Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/138

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passant une faveur qui semble devoir coûter la vie à la pauvre malheureuse : il n’y a personne autre ici que je puisse charger de la défendre contre les coups de bandoulières et de cordes d’arcs dont les brutes de la frontière qui suivent Douglas la battront à mort, puisque tel est son plaisir. — En ce cas, monseigneur, elle a droit à la protection de tout honnête homme ; et puisqu’elle porte un cotillon… quoique je voudrais qu’il fût plus long et d’une mode moins bizarre… je réponds de la protéger aussi bien qu’un seul homme peut le faire. Mais où irai-je la loger ? — De bonne foi, je n’en sais rien ! dit le prince. Mène-la chez sir John Ramorny… mais non… non… il est indisposé. D’ailleurs il a des raisons… Mène-la chez le diable, si tu veux, mais place-la en sûreté, et tu obligeras Robin de Rothsay. — Mon noble prince, dit Henri, je pense, sauf votre respect, qu’il vaudrait mieux abandonner une femme sans défense aux soins du diable qu’à ceux de sir John Ramorny. Mais quoique le diable travaille à un fourneau tout comme moi, pourtant je ne connais pas sa maison, et avec l’aide de la sainte Église, j’espère ne jamais devenir son ami. Et d’ailleurs comment faire pour la tirer hors de la foule, et la conduire par les rues dans ce costume de comédienne, c’est encore une question. — Quant à vous tirer du couvent, dit le prince, ce bon moine… » et il saisit par le capuchon un religieux qui se trouvait près de lui, en ajoutant : « Père Nicolas ou Boniface. — Le pauvre frère Cyprien, au service de Votre Altesse, interrompit le père. — Oui, oui, frère Cyprien, continua le prince, c’est cela. Le frère Cyprien vous conduira par quelque passage secret, et je le reverrai pour l’en remercier d’une manière digne de moi. »

Le moine salua en signe d’obéissance, et la pauvre Louise, qui pendant ce débat avait activement porté les yeux de l’un des interlocuteurs à l’autre, se hâta de dire : « Je ne scandaliserai pas ce digne homme avec mon costume extravagant… J’ai une mante que je porte d’ordinaire… — Tiens, Smith, voilà un capuchon de moine et une mante de femme pour te cacher. Je voudrais pouvoir voiler aussi aisément toutes mes faiblesses ! Adieu, mon honnête ami ; je t’en remercierai plus tard. »

Et le prince, comme s’il eût redouté de nouvelles objections de la part de l’armurier, se hâta d’entrer dans le palais.

Henri Gow demeura pétrifié de ce qui venait d’arriver, et se trouva engagé dans une commission qui l’exposait non-seulement à un grand péril, mais encore aux traits empoisonnés de la ca-