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Louise aurait payé cher une offense dont elle était la cause involontaire, si le duc de Rothsay n’était intervenu.

« Jeter à la porte la pauvre chanteuse ! » dit-il avec une vive indignation… « et la fouetter pour avoir obéi à mes ordres ? Maltraite tes propres vassaux opprimés, farouche comte… Fouette ta propre meute quand elle est en défaut… mais prends garde à la manière dont tu touches seulement un chien que Rothsay a caressé sur la tête, et surtout à une femme qu’il a baisée sur les lèvres ? »

Avant que Douglas pût faire une réponse qui aurait certainement été un défi, il s’éleva à la porte extérieure du monastère le tumulte dont nous avons déjà parlé, et des hommes à pied et à cheval s’élancèrent dans la cour, ne se battant point, mais se voyant, à coup sûr, d’un œil très-peu ami.

Un des deux partis ennemis se composait de vassaux de Douglas, reconnaissables au cœur-sanglant qu’ils portaient ; l’autre était formé de citoyens de la ville de Perth. Il paraissait qu’ils avaient eu un engagement à la porte ; mais, par respect pour le territoire consacré, ils rengainèrent en entrant, et bornèrent leur combat à une guerre de mots et d’insultes réciproques.

Le tumulte eut ce bon effet, que l’affluence et la précipitation des arrivants forcèrent le prince et Douglas à se séparer au moment où la légèreté du premier et l’orgueil du second allaient les pousser à la dernière extrémité ; mais alors des pacificateurs intervinrent de toutes parts. Le prieur et les moines se jetèrent au milieu de la multitude, et recommandèrent la paix au nom du ciel, et respect pour leurs murs sacrés, sous peine d’excommunication ; et leurs instances semblaient faire impression. Albany, qui avait été dépêché par son royal frère au commencement de cette scène, n’était pas encore au théâtre de l’action ; mais aussitôt qu’il arriva, il s’adressa à Douglas et le conjura à l’oreille de calmer sa colère.

« Par sainte Brigitte de Douglas ! je me vengerai ! dit le comte ; aucun homme ne continuera de vivre après avoir insulté Douglas. — Eh bien ! vous pouvez vous venger en temps convenable, reprit Albany ; mais qu’il ne soit pas dit que, comme une femme vindicative, le grand Douglas n’a su choisir ni le temps ni le lieu de sa vengeance. Sachez que le fruit de nos longs efforts va être perdu par un accident. George de Dunbar a obtenu une audience du vieillard, et, bien qu’elle n’ait duré que cinq minutes, je crains qu’elle n’amène la dissolution de ce mariage, que nous