Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/126

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de Douglas le Noir, que nous ne connaissons pas encore comme admirateur passionné de la gaie science. Mais vraiment je ne suis plus surpris de son attention, car le prince a honoré la belle maîtresse de chant et de viole d’un baiser d’approbation. — Comment ! s’écria le roi ; Rothsay s’amuse-t-il à badiner avec une chanteuse, et en présence de son beau-père ?… Allez, mon bon père abbé, dire au prince de monter sur-le-champ… Allez, mon très-cher frère. » Et quand ils furent tous deux sortis de la salle, le roi continua : « Allez, mon beau cousin de March, il va arriver un malheur, j’en suis sûr. Allez-y donc, cousin, je vous en prie, et secondez le seigneur prieur chargé de mes ordres. — Vous oubliez, Sire, » répondit March avec la voix d’une personne profondément offensée, « que le père d’Élisabeth de Dunbar ne serait qu’un intercesseur impuissant entre Douglas et son royal beau-fils. — Je vous demande pardon, cousin, dit le bon vieillard. J’avoue qu’on vous a fait injustice… mais mon Rothsay va être massacré… J’y cours moi-même. »

Mais en se levant précipitamment de son fauteuil, le pauvre roi fit un faux pas, glissa et tomba lourdement sur le parquet, et sa tête frappant contre un coin du siège qu’il venait de quitter, il perdit un instant connaissance. La vue de cet accident triompha du ressentiment du comte et attendrit son cœur. Il courut au monarque tombé et le replaça dans son fauteuil, employant avec le plus vif empressement tous les moyens qui lui semblaient propres à lui rendre ses sens. Robert ouvrit les yeux, et les promena autour de lui avec surprise. — « Qu’est-il arrivé ?… Sommes-nous seuls ?… Qui est avec nous ? — Votre respectueux sujet March, répliqua le comte. — Seul, avec le comte de March ! » répéta le roi, son esprit encore troublé s’alarmant au nom d’un chef puissant qu’il avait raison de croire mortellement offensé. — Oui, mon gracieux souverain ; avec le pauvre George Dunbar, de qui bien des gens ont excité Votre Majesté à mal penser, quoiqu’il se montre encore plus dévoué à votre royale personne, que ces gens-là. — Il est vrai, cousin : on vous a fait une trop grande injustice ; et, croyez-moi, nous aviserons à la réparer. — Si votre Grâce y consent, tout peut encore s’arranger, » dit précipitamment le comte. « Le prince et Marjory Douglas sont proches parents… la dispense de Rome manque des formalités voulues… leur mariage ne peut être légitime… Le pape, qui fera beaucoup pour un si bon prince, peut casser cette union antichrétienne par