Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment même, le comte de March entra dans la salle d’audience, revêtu du costume des cavaliers du temps, avec un poignard à la ceinture. Il avait laissé dans l’antichambre le page qui portait son épée. Le comte était bien fait, d’une belle taille, et d’une agréable figure, avec une forêt de cheveux brun clair, et de brillants yeux bleus qui luisaient comme ceux d’un faucon. On lisait néanmoins sur sa physionomie les indices d’un caractère violent et irritable, auquel sa position, comme haut et puissant seigneur féodal, ne lui avait donné que trop d’occasions de s’abandonner.

« Je suis charmé de vous voir, milord de March, » dit le roi en s’inclinant d’une gracieuse manière ; « vous avez été long-temps absent de nos conseils. — Mon souverain, » répondit March en saluant profondément le roi, et en faisant un salut hautain et plein de contrainte au duc d’Albany, « si j’ai manqué aux conseils de Votre Grâce, c’est que ma place a été remplie par des conseillers plus agréables, et sans doute plus capables. En ce moment je viens seulement dire à Votre Altesse que des nouvelles que j’ai reçues récemment de la frontière anglaise rendent nécessaire que je retourne sans délai dans mes domaines. Votre Grâce a son sage et politique frère pour la conseiller, et le puissant et belliqueux Douglas pour exécuter ses résolutions. Je ne puis vous servir que dans mon pays ; et je me propose, avec la permission de Votre Majesté, d’y retourner sur-le-champ, pour y remplir mes fonctions, comme gardien des frontières de l’Est. — Vous n’agirez pas si mal avec nous, cousin, répliqua le monarque débonnaire. Il y a de mauvaises nouvelles sous vent ; ces malheureux clans de montagnards sont en révolte générale, et la tranquillité de notre cour exige que nous ayons près de nous nos meilleurs conseillers pour délibérer, et nos plus braves barons pour mettre à exécution les décisions que nous pourrons prendre. Le descendant de Thomas Randolph n’abandonnera certainement pas le petit-fils de Robert Bruce dans un pareil moment. — Je laisse avec lui le descendant du fameux Jacques de Douglas, répondit March. Sa Seigneurie se vante de ne jamais mettre le pied dans l’étrier sans que mille hommes montent à cheval avec lui pour former sa garde personnelle, et je crois que les moines d’Aborbrotock peuvent jurer que c’est vérité. Il sera certainement plus facile à tous les chevaliers de Douglas d’étouffer une rébellion de bandits montagnards, qu’à moi de résister aux archers anglais et à la valeur de Henri Hotspur ? D’ailleurs, voilà Sa Grâce le duc d’Albany, si jaloux de