Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/101

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l’infidèle n’a plus guère de tête pour recevoir mes entailles. — C’est malheureux, car vous perdrez votre dextérité… Mais qu’en dites-vous, bonnetier ? je prendrai un jour mon casque et mon corselet, et vous frapperez sur moi, en me laissant mon sabre pour parer et vous rendre vos coups ? hein ! cela vous plaît-il ? — Ce n’est pas faisable, mon cher ami ; je vous ferais trop de mal… D’ailleurs, à vrai dire, je frappe bien plus à mon aise sur un casque ou bonnet, quand il est sur mon soudan de bois… alors je suis sûr de l’abattre. Mais quand il y a un panache de plume qui se balance au-dessus, et deux yeux reluisant sous l’ombre de la visière, quand le tout sautille par ci par là, j’avoue qu’alors ma main peut dévier. — De sorte que si un homme demeurait seulement sans bouger comme votre soudan, vous feriez le tyran avec lui, maître Proudfute ? — Avec du temps, et à force de pratique, j’imagine que je pourrais, répondit Olivier… Mais voilà que nous rejoignons nos amis ; le bailli a l’air courroucé… mais ce n’est pas son courroux qui m’épouvante. »

Il faut vous rappeler, aimable lecteur, qu’aussitôt que le bailli et ceux qui l’accompagnaient virent le forgeron courir au malheureux bonnetier, et l’étranger battre en retraite, ils ne se donnèrent pas la peine d’avancer d’avantage ; car ils pensèrent que leur compatriote était hors de danger par la présence du redouté Henri Gow. Ils avaient repris la route directe de Kinfauns, désirant que rien ne différât l’exécution de leur mission. Comme quelque temps s’était écoulé avant que le bonnetier et le forgeron eussent rejoint la troupe, le bailli Craigdallie leur demanda, et à Henri Smith particulièrement, pourquoi ils avaient perdu un temps si précieux à courir après le chasseur au faucon.

« Par la messe ! ce n’est pas ma faute, maître bailli, répliqua le forgeron ; si vous accouplez un simple lévrier des basses terres avec un chien-loup des montagnes, vous n’en devez pas vouloir au premier de suivre la direction dans laquelle il plaît au second de l’entraîner. C’est ainsi que cela m’est arrivé avec mon voisin Olivier Proudfute. Il n’a pas plutôt été remis sur ses pieds, qu’il a sauté sur sa jument comme un éclair, et, furieux de la manière infâme dont le scélérat avait profité de l’indocilité de sa monture, il a couru après lui comme un dromadaire. Il m’a bien fallu le suivre, d’abord pour empêcher une nouvelle cabriole, ensuite pour garantir notre téméraire ami et champion de quelques embûches sur la route. Mais le coquin de chasseur, qui est