Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/99

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Ici de Vaux s’arrêta, car il n’était pas de ces gens qui savent raconter une longue histoire sans reprendre haleine.

— Est-ce donc là qu’ils rencontrèrent le médecin ? » demanda impatiemment le roi.

« Non, sire, répondit de Vaux ; mais le Sarrasin, apprenant que Votre Majesté était grièvement malade, promit d’obtenir de Saladin qu’il vous envoyât son propre médecin, dont il vanta beaucoup la science. Celui-ci arriva effectivement à la grotte, après que le chevalier écossais l’y eut attendu un jour ou deux. Il a une vraie suite de prince, il marche au son des tambours et des cymbales, entouré de domestiques à pied et à cheval, et il apporte des lettres de créance de Saladin.

— Ont-elles été examinées par Giacomo Loredani ?

— Je les ai montrées à l’interprète en venant ici, et voici leur contenu traduit en anglais. »

Richard prit un papier où étaient écrits ces mots : « Au nom d’Allah et de Mahomet son prophète (fi ! le chien ! s’écria Richard en crachant par manière d’interjection propre à exprimer son mépris), Saladin, roi des rois, soudan d’Égypte et de Syrie, la lumière et le refuge de la terre, au grand Melec-Ric, Richard d’Angleterre, salut : ayant appris que la main de la maladie s’était appesantie sur toi, notre royal frère, et que tu n’as autour de toi que des médecins nazaréens et juifs, qui travaillent sans la bénédiction d’Allah et du Prophète (périsse son prophète ! murmura de nouveau le monarque anglais)… nous avons envoyé, avec ces présentes, pour te traiter et te soigner, le médecin de notre propre personne. Adonebec El Hakim, devant la figure duquel l’ange Azraël[1] déploie ses ailes, et quitte la chambre du malade… Il connaît les vertus des plantes et des minéraux, la marche du soleil, de la lune et des étoiles, et peut sauver de la mort tout homme qui ne porte pas cette destinée écrite sur son front. Nous le prions avec instance d’honorer son art et d’en faire usage : car nous voulons non seulement rendre hommage à ton mérite et à ta valeur qui brillent entre toutes les nations du Frangistan[2], mais encore mettre un terme à la lutte qui existe maintenant entre nous, soit par un traité honorable, soit en faisant publiquement sur un champ de bataille l’épreuve de nos armes. Nous sommes d’opinion qu’il ne convient ni à ton rang ni à ton courage de mourir de la mort d’un

  1. L’ange de la mort. a. m.
  2. C’est ainsi que les Orientaux désignent l’Europe. a. m.