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charge, le droit d’accorder à des hommes d’un sang noble la liberté de garder un chien ou deux dans l’enceinte du camp, ne fût-ce que pour encourager le bel art de la vénerie… et d’ailleurs c’eût été un crime de faire le moindre mal à un être aussi noble que le chien de ce gentilhomme.

— Il est donc bien beau ? demanda le roi.

— C’est le plus parfait animal qu’il y ait sous le ciel, » dit le baron enthousiaste de tout ce qui tenait à la chasse. « Il est de la véritable race du Nord, large de poitrine, vigoureux de croupe, noir de couleur et non tacheté de blanc, mais tavelé sous le poitrail et les pattes de nuance grisâtre ; assez de force pour abattre un bœuf, assez agile pour atteindre l’antilope. »

Le roi se mit à rire de l’enthousiasme du baron. « Eh bien ! dit-il, tu lui as permis de garder son lévrier, et tout finit là. Ne sois pas cependant si libéral de tes permissions parmi ces chevaliers aventureux qui n’ont pas de prince ou de chef pour les tenir en respect. Ils ne connaissent pas de frein, et si on les laissait faire, il ne resterait bientôt plus de gibier dans la Palestine… Mais voyons, occupons-nous de ce savant païen… ne m’as-tu pas dit que cet Écossais l’avait rencontré dans le désert ?

— Non, sire… Voici ce que m’a dit l’Écossais… Il avait été envoyé près du vieil ermite d’Engaddi, dont on parle tant…

— Mort et furies ! » s’écria Richard en se levant en sursaut… « qui l’y avait envoyé, et dans quel but ? Qui a osé envoyer un homme à la grotte d’Engaddi pendant que la reine y faisait un pélerinage pour notre rétablissement ?

— Le conseil de la croisade lui avait confié cette mission, milord, répondit le baron : dans quel but, c’est ce qu’il a refusé de m’expliquer. On sait à peine dans le camp que votre royale épouse a entrepris ce pèlerinage… moi, du moins, je l’ignorais, et les princes peuvent ne pas en avoir été instruits, puisque la reine s’est tenue séquestrée de toute compagnie depuis que votre amour lui a défendu de s’exposer à l’épidémie en entrant ici.

— Eh bien, nous approfondirons cela… Ainsi, cet Écossais, cet envoyé a rencontré un médecin errant dans la grotte d’Engaddi. N’est-ce pas cela ?

— Non, milord ; mais ce fut, je crois, près de ce lieu qu’il rencontra un émir sarrasin : selon la coutume des chevaliers errants, les deux guerriers ont éprouvé leur valeur mutuelle ; puis satisfaits l’un de l’autre, ils ont fait route ensemble vers la grotte d’Engaddi. »